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Discours Ambassadeur Jackson
 
Hôtel Hilton de Yaoundé, Cameroun | Le 17 novembre 2011, 09h30

L'Ambassadeur Jackson et les medias. [Photo de l'Ambassade des USA]

Séminaire sur les Indications géographiques

Discours prononcé par l’Ambassadeur Robert P. Jackson
devant l’Académie mondiale de propriété intellectuelle
de l’Office américain des brevets et des marques de commerce

Je voudrais avant tout dire merci à Nancy, John et tous les autres responsables du Bureau  américain des brevets et des marques de commerce, qui ont bien voulu m’inviter à prendre la parole à l’ouverture des travaux de cet important séminaire sur les droits de propriété intellectuelle et les indications géographiques. Je dois avouer que je ne suis pas un spécialiste des indications géographiques mais, fort des recherches de vaste portée que j’ai menées en 29 ans de carrière diplomatique, je puis vous dire avec certitude que le vin mousseux de Californie soutient bien la comparaison avec cet autre vin mousseux originaire d’une certaine région de France.

À la vérité, le thème de ce séminaire est digne d’intérêt pour le Cameroun, car, je sais que les produits comme le poivre de Penja, le miel blanc d’Oku et l'ananas savoureux du Cameroun sont appelés à figurer au nombre des indications géographiques mondialement reconnues. J'espère cependant que ces assises permettront de rehausser le profile de la protection de la propriété intellectuelle sur une échelle plus large, cette protection étant très importante pour le Cameroun à plusieurs égards :

• Tout d'abord, et bien évidemment, les produits et les indications géographiques du Cameroun, qui sont uniques en leur genre, méritent d’être protégés pour le bien des populations laborieuses de ce pays. Je crois que le Cameroun est particulièrement riche en savoirs traditionnels. Si ces atouts reçoivent la protection nécessaire dans le cadre de la législation sur la propriété intellectuelle au niveau international, ils pourraient être d’un grand apport pour les communautés rurales.

• Ensuite, j'ai été frappé par l'incroyable talent des auteurs et musiciens camerounais depuis mon arrivée ici il ya un an – ce talent doit être récompensé et protégé au moyen d’un bon système de gestion des droits d’auteur afin que le Cameroun puisse produire un autre Manu Dibango ou un autre Mongo Béti.

• Enfin, la protection de la propriété intellectuelle revêt une importance particulière au Cameroun, en raison notamment du fait que les médicaments contrefaits représentent de plus en plus une autre menace sérieuse pour la santé des Africains.

Le thème des indications géographiques est déjà très familier à beaucoup d’entre vous et vous en aurez une connaissance encore plus approfondie au cours des deux prochains jours. On pourra avancer des idées concurrentes en matière de protection d’indications géographiques et de préférences européennes par opposition aux préférences américaines. Vous pourriez être amenés à vous demander où se situe le Cameroun dans tout cela? Eh bien, il se situe carrément à la croisée de tout cela. Il y a un instant, j'ai fait allusion aux nombreux produits agricoles et alimentaires d’origine camerounaise qui, à mon avis, sont appelés à figurer sur la liste des indications précieuses de qualité pour les consommateurs mondiaux. Je connais nombre d’importateurs américains de cafés gourmets qui s’intéressent au café camerounais, pour ne citer que cet autre exemple. L'Ambassade dispose d’un bureau à Douala, ayant pour vocation de stimuler ce genre d’exportations vers les Etats-Unis, notamment sous le régime des préférences commerciales prévues par la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA). La protection et la production des indications géographiques permettraient aux Camerounais de gagner beaucoup de dollars grâce à leurs exportations.

D'autre part, sur le marché camerounais, certains produits américains peuvent être victimes d’une mauvaise interprétation de la notion d’indications géographiques. Je crois savoir par exemple que les importateurs de vin mousseux américain sont parfois obligés de payer, à titre de droits de douane, des montants normalement exigibles pour le Champagne, au lieu des montants beaucoup plus réduits correspondant aux vins mousseux. Même si ce n'est pas nécessairement un problème que vous allez examiner ou même évoquer lors des présentes assises, j'espère que l’on peut dissiper cette confusion, ce qui permettrait aux consommateurs camerounais de continuer de faire des choix éclairés et d'avoir accès aux produits de qualité que les indications géographiques visent à promouvoir.

L'administration des droits d'auteur est un autre aspect de la propriété intellectuelle qui mérite une attention particulière ici au Cameroun. Comme je le disais tantôt, les artistes camerounais, notamment les musiciens, doivent être en mesure d’enregistrer leurs œuvres pour pouvoir gagner leur vie. Cependant, j'ai observé que les artistes au Cameroun sont pris dans le piège d'un différend juridique entre deux organismes d'enregistrement concurrents et le Ministère de la Culture, l’organisme de tutelle. Ce différend me semble encore loin de trouver une solution. Je n'ai pas de commentaire quelconque à faire sur la manière dont il doit être résolu, sinon qu'il doit être résolu rapidement. Il couvait déjà bien avant mon arrivée. Protéger les œuvres artistiques contre la piraterie est assez difficile, mais les artistes doivent d'abord avoir la capacité de base nécessaire pour établir leurs droits de propriété intellectuelle au moyen de l’enregistrement.

La piraterie musicale est un sujet de grande préoccupation. Cependant, au Cameroun, la piraterie touche aussi un autre domaine avec des conséquences potentielles beaucoup plus graves, à savoir, celui du médicament. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la Santé, près de 30% des médicaments vendus en Afrique seraient des contrefaçons. Les Nations Unies, quant à elles, estiment que la moitié des antipaludiques présents sur le marché africain sont des contrefaçons. La lutte contre la contrefaçon de médicaments est une initiative de santé prioritaire pour ces organisations et pour le Gouvernement des Etats-Unis pour plusieurs raisons, mais principalement pour la simple raison que les médicaments contrefaits tuent. Le patient qui prend des antipaludiques sans principe actif (une formule commune de piraterie en Afrique) prolonge sa souffrance sous l’emprise de fortes fièvres, celles-ci pouvant lui être fatales. Lors d'une épidémie de méningite au Niger, environ 2.500 personnes sont décédées suite à l’administration de faux vaccins. Pire que les médicaments sans principes actifs, certains faux médicaments contiennent des principes actifs toxiques. Quatre-vingt neuf enfants sont morts en Haïti en 1995 à cause d’un sirop antitussif à base de diéthylène glycol, un produit chimique toxique utilisé dans l'antigel. Selon les estimations récentes d’un expert, les médicaments contrefaits tueraient au moins 100.000 personnes chaque année, principalement dans les pays en développement.

Je me réjouis de noter que les États-Unis s’emploient à aider d'autres pays aux vues similaires dans leur combat contre ces graves problèmes en protégeant la propriété intellectuelle.

● Nous avons augmenté notre soutien à l'Afrique sub-saharienne depuis 2007, octroyant environ un million de dollars d'aide par an à la région pour la formation en matière d'application de la loi, à travers notamment le Bureau international des stupéfiants et de l'application de la loi du Département d'État.

● En septembre 2011, nous avons accordé des subventions d’un montant total de 25.000 dollars à trois ONG locales pour la mise en œuvre de projets visant à sensibiliser le public au danger des médicaments contrefaits.

● Par ailleurs, le Bureau américain des brevets et des marques de commerce offre une large gamme de formations à travers son Académie mondiale de propriété intellectuelle. Des responsables du monde entier sont ainsi invités à prendre part à quelques 20 sessions de formation approfondie chaque année. Nous avons maintes fois recommandé plusieurs Camerounais pour ces formations, et nous continuerons à le faire. Je me réjouis du choix porté sur le Cameroun pour abriter la présente session, ce qui témoigne de notre détermination à renforcer la protection et l’administration des droits de propriété intellectuelle.

En définitive, protéger la propriété intellectuelle participe de l’effort de développement. Lorsque la propriété et les biens personnels (qu’il s’agisse de propriété intellectuelle ou de biens matériels) ne sont pas protégés par des lois, la capacité des individus à créer ou accumuler des richesses est sévèrement inhibée. Et sans création de richesses, sur une petite, une moyenne ou une grande échelle, il ne peut y avoir de croissance économique. En outre, la protection de la propriété intellectuelle encourage la concurrence et le respect de la primauté du droit. En travaillant ensemble sur les indications géographiques et l'administration des droits d'auteur, que ce soit demain ou à l’avenir, il est possible que nous puissions contribuer à améliorer la situation économique des agriculteurs, des musiciens et des artistes camerounais. Si nous nous attaquons aux problèmes faisant obstacles à l’application des lois sur la propriété intellectuelle dans le domaine du médicament, nous sauverons des vies. Au vue de toutes les compétences spécialisées ici réunies, je suis persuadé que nous réussirons dans cette entreprise.

Je vous remercie de votre aimable attention.