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Discours Ambassadeur Jackson

FORUM SUR LA FILIÈRE COTON

le 24 février 2011

Allocution prononcée par S.E.M. Robert P. Jackson,
Ambassadeur des États-Unis d’Amérique,


Hôtel Hilton, Yaoundé

Excellences, Mesdames et Messieurs, Bonjour

Je vous remercie de l'occasion qui m’est offerte de prendre la parole devant vous aujourd'hui. C’est avec plaisir que j’ai accepté votre généreuse invitation parce que j’estime que cette conférence intervient à un moment crucial pour l'agriculture africaine et camerounaise.

Je n’ai pas la prétention d’intervenir sur la gamme complète des questions sociales et économiques liées à la filière coton, vu le grand nombre de spécialistes ici présents. Je voudrais néanmoins donner mon avis sur deux sujets susceptibles de fédérer les intérêts des États-Unis et du Cameroun, à savoir, la biotechnologie et le commerce.

Je suis de plus en plus convaincu que la biotechnologie est la clé de l’avenir agricole mondial. Selon l'Organisation des Nations Unies, un milliard de personnes, y compris des Camerounais, continuent de souffrir de la malnutrition. Le changement climatique pourrait réduire la productivité agricole de 27% d'ici l'an 2050. L’accroissement de la population et des besoins en ressources, notamment en Asie, ont entrainé le renchérissement des cours mondiaux des matières premières. Certains rapports indiquent que la population mondiale a augmenté au rythme de plus de 220 000 personnes par jour en 2009 et qu’elle devrait doubler au cours du siècle. Selon les estimations de l'ONU, la population en Afrique va doubler d’ici 2050.

Le paysan africain sera appelé à satisfaire ces besoins. Un récent rapport fait état de ce que 60% des terres arables mondiales non exploitées se trouvent en Afrique. Vous n’ignorez pas que la saison de croissance est très bonne en Afrique tropicale, avec un soleil radieux et une pluviosité suffisante dans de nombreuses régions. À Ebolowa, j'ai écouté avec attention le président Biya qui a souhaité voir une progression de la production dans presque toutes les filières agricoles.

Comment les paysans africains vont-ils accroître la production? Eh bien, les producteurs de coton indiens ont introduit la variété biotechnologique en 2002, et en 2008, la production avait pratiquement doublé, générant un supplément de 5 milliards de dollars et faisant passer l'Inde du statut d’importateur à celui d’exportateur de coton – il s’agit-là d’une avancée significative lorsqu’on connait le dynamisme de l’industrie textile indienne. Plus proche de nous, le Burkina Faso a multiplié sa production de coton biotechnologique par 14 depuis 2008, pour la porter à environ 80% de l’ensemble de sa production cotonnière. À Ebolowa, le président Biya a déploré un "excès de timidité" dans les secteurs des cultures de rente comme le coton. Je partage son opinion - le Cameroun doit se montrer davantage dynamique. Utilisées pour la première fois il ya 20 ans, les plantes biotechnologiques sont maintenant cultivées dans une cinquantaine de pays, dont six de l'Union européenne, dix d’Amérique latine, et plusieurs d’Afrique. Quatorze millions d'agriculteurs utilisent ces plantes dans le monde. La Chine, le Brésil et l'Inde en sont de grands producteurs.

Malgré la controverse qui a entouré cette technologie, permettez moi de formuler les quelques observations suivantes.

Tout d'abord, la biotechnologie est une technologie comme les autres. Toute technologie doit être étudiée, bien réglementée et faire l’objet d’un suivi. C'est fort heureusement le cas de la biotechnologie – comme je l’ai mentionné, elle s’est avérée inoffensive et avantageuse depuis plus de 15 années d’utilisation. C’est depuis des milliers d’années que l’homme modifie les génomes des espèces par la sélection artificielle. Les médecins du monde entier prescrivent la biotechnologie au quotidien dans le cadre de la médecine moderne !  Aucun pays ne doit rester en marge d’une technologie saine et efficace. Quelqu’un pourrait-il sérieusement soutenir que le Cameroun doit fermer les portes à un logiciel ou s'abstenir d'importer des ordinateurs portables ? Ces technologies ne sont pas, et ne devraient pas être considérées comme imposées par les pays dits développés. Les États-Unis cultivent 158 millions d'hectares de plantes biotechnologiques - nous ne cherchons pas à convaincre quiconque de faire quelque chose que nous n'avons pas encore expérimenté nous-mêmes. Il m’est revenu que le Cameroun a déjà mis en place un mécanisme de réglementation pour étudier et breveter des cultures biotechnologiques. J’espère que ces technologies bénéficieront de l’attention nécessaire et que certaines d’entre elles seront approuvées dans un proche avenir.

Ensuite, l'argument selon lequel les agriculteurs deviendront tributaires des semences brevetées dans les pays riches n'a pas de sens à mon avis. Le coton burkinabé a été approuvé conjointement par le gouvernement et le secteur privé. Je sais que de nombreuses entreprises seraient disposées à accepter le principe d’un brevet conjoint, voire, à céder leurs droits de patentes à des gouvernements africains. En somme, pourquoi ne pas laisser les agriculteurs décider du choix des semences à acheter ? La concurrence aidant, les prix demeureront stables et les agriculteurs pourront opérer des choix plus rentables. Une étude menée par des universités et le Ministère de l'Agriculture des États-Unis a révélé que l'introduction du coton génétiquement modifié au Mali pourrait faire progresser les revenus des agriculteurs de dix pour cent.

Enfin, je ne pense pas que la biotechnologie soit la formule la plus onéreuse pour augmenter la production. Les solutions de rechange telles que l’agrochimie, le microcrédit, la mécanisation, l'aide étrangère, et l’accroissement des terres sont autant de moyens très onéreux d’accroître la production. D'autre part, de nombreuses cultures génétiquement modifiées permettent de RÉDUIRE le coût des intrants : en Inde par exemple, le coton génétiquement modifié a entraîné une réduction des coûts des insecticides de 39% et la forte progression de la production.

L’accroissement de la production cotonnière est inutile sans débouchés pour le coton - cela signifie que le Cameroun doit entretenir et développer des relations commerciales. Bonne nouvelle, je note que les cours mondiaux du coton ont atteint des niveaux record. En outre, les dépenses sur les vêtements chinois ont triplé au cours des 15 dernières années. En vertu de la Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA), les textiles en provenance du Cameroun peuvent accéder au marché américain en franchise de droits.

Plusieurs entreprises camerounaises profitent déjà du « visa textile » grâce à cette loi. Il y a certes des obstacles, mais je suis convaincu que le Cameroun peut ajouter de la valeur à son coton et le vendre à l'étranger. Ma délégation à cette conférence comprend des représentants du Centre Ouest africain pour le Commerce, qui ont pour vocation d’aider les fabricants de textiles camerounais à surmonter tout obstacle.

Permettez-moi maintenant d’aborder le préjugé qui, j’en suis certain, meuble les esprits lorsque vous pensez au commerce international du coton : je ne crois pas que la subvention accordée à la filière coton aux États-Unis soit le plus grand obstacle à la production ou à la commercialisation du coton camerounais.

Beaucoup de subventions agricoles, dont celles destinées à la filière coton, ont été supprimées dans la proposition de budget du Président Obama pour 2012. Le contexte budgétaire étant difficile, le Congrès accordera toute son attention à ces dispositions. La production et l’exportation du coton américain baissent de manière significative ces dernières années. Certaines ONG ont prétendu que la subvention réduit les cours mondiaux de l’ordre de six à quatorze pour cent, mais ces prétentions sont douteuses. L’effondrement des revenus des producteurs africains est très probablement la résultante des fluctuations des devises mondiales et de l’inefficacité d’un système d'égrenage du coton contrôlé par les pouvoirs publics.

Excellences, Mesdames et Messieurs, au cours de ces deux jours, toutes ces questions seront examinées beaucoup plus en profondeur dans le cadre de ce forum. Les problèmes sont bien connus : la production cotonnière du Cameroun a reculé de plus de 50% au cours des cinq dernières années. Pourtant, plus de 300 000 familles camerounaises vivent encore du coton. Le Président Biya a déclaré récemment que 60% des Camerounais dépendent de l'agriculture pour leur subsistance et que la production nationale est en régression.

Améliorer la vie de tant de gens revient à accroître la production – le Cameroun doit pouvoir produire davantage de coton. À cette fin, il pourrait choisir d’acheter plus d'engrais et de machines, d’octroyer davantage de crédits aux agriculteurs, ou peut-être, de solliciter plus d’aide étrangère. Le Cameroun peut même attendre passivement une évolution des régimes commerciaux mondiaux et des politiques internes d'autres pays susceptible d’améliorer les termes de l’échange. Ou alors, il pourrait prendre les choses en mains et booster la production cotonnière au moyen de la biotechnologie agricole, afin de tirer parti des cours mondiaux qui ont atteint des niveaux record.

Les producteurs chinois de coton, qui utilisent des cultures biotechnologiques et obtiennent davantage de résultats que tout autre pays du monde, ont annoncé récemment qu'ils augmenteraient probablement la plantation de coton de 9,8% dans la perspective d’une campagne 2011/2012 fructueuse. Si une telle amélioration de la production est possible, le Cameroun pourrait bien se positionner pour profiter d’un marché en plein essor.

J’espère qu’en examinant la filière coton – ses enjeux et ses perspectives - vous porterez une grande attention à la biotechnologie comme moyen d'exploiter l'énorme potentiel du Cameroun dans ce domaine.

Je vous remercie de votre aimable attention.