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Updated: 12-Mar-2001 NATO Speeches

Rome
9 Octobre
1989

Discours Prononcé à la 35ème Session Annuelle de l'Assemblée de l'Atlantique Nord

Discours du Secrétaire générale, Manfred Wörner

Albert Camus a un jour déploré que l'homme finisse par s'habituer à tout. J'ai toujours pensé que c'était là une vue injustement pessimiste de notre condition humaine; et j'ai assisté ces dernières semaines à assez d'événements pour me convaincre que, sur ce point du moins, Camus avait tort :

  • 30.000 Allemands de l'Est abandonnant tout - foyer, amis, emploi - pour chercher à l'Ouest une vie nouvelle pleine de possibilités, mais aussi d'incertitudes;

  • des milliers de mineurs soviétiques en grève pour obtenir, non pas de meilleurs salaires, mais des magasins mieux approvisionnés;

  • la joie des Polonais saluant la nomination d'un premier ministre non communiste pour la première fois depuis quarante ans;

  • plus d'un million d'habitants des Etats baltes formant une chaîne humaine pour protester contre l'annexion forcée de leurs pays;

  • des manifestants qui, à Prague, bravent les forces de sécurité pour marquer le 21ème anniversaire de l'invasion de leur pays par les troupes du Pacte de Varsovie, ou qui, à Leipzig, réclament la liberté de parole.

A l'évidence, les peuples de l'Est ne se sont pas habitués à leur sort. Le totalitarisme n'a en rien diminué l'attrait de la liberté, de la démocratie et de l'autodétermination aux yeux des citoyens. Bien au contraire. Il ne les a pas davantage empêchés de mettre ces valeurs en pratique en s'organisant politiquement et en exprimant leurs aspirations, ce dont témoignent les débats au nouveau Congrès des députés du peuple, les activités des fronts populaires, de Solidarité en Pologne ou des partis d'opposition en Hongrie. Des appels au pluralisme et à la réforme se font maintenant entendre dans tous les pays de l'Est. Certains régimes y ont répondu par une attitude qui ne laisse pas d'être prometteuse : s'ils traversent maintenant les turbulences du changement, ils sont du moins finalement aux prises avec les vrais problèmes qui bloquaient depuis si longtemps toute évolution. D'autres y ont répondu par la répression, ne faisant que retarder le jour du grand bilan, en éludant leurs problèmes et en obérant ainsi l'avenir. Pendant ce temps, les citoyens de ces pays prennent la fuite, privant l'économie nationale de compétences et de ressources précieuses, qui seront des plus nécessaires lorsque viendra le moment inéluctable de faire face aux besoins du lendemain.

Il est tout à fait manifeste que, politiquement, la division de l'Europe est devenue impossible à maintenir. Non pas à cause du "revanchisme" occidental dont a parlé M. Chevardnadze. Non pas à cause d'une ingérence de notre part dans les affaires intérieures d'autres pays. Mais simplement pour deux raisons. D'abord parce que le communisme a échoué, aussi bien sur le plan idéologique que sur le plan économique et sur le plan social. Il ne parvient pas à résoudre les problèmes des sociétés industrielles modernes à l'âge de la communication planétaire. Ensuite, et c'est là un point encore plus important, parce qu'on ne peut pas étouffer pour toujours le désir de liberté. L'aspiration naturelle des hommes à vivre et travailler librement est le moteur du processus historique de changement auquel nous assistons aujourd'hui. Et nul dictateur, nul système - pas même en recourant à la force - ne pourra, à terme, arrêter cette dynamique du changement. Il est bien certain que l'Alliance atlantique a joué un rôle historique dans la création des conditions de changement :

  • par une stratégie de dissuasion et de défense collective qui a fait clairement comprendre à l'Union soviétique qu'elle ne pourrait jamais compter résoudre ses problèmes par l'intimidation ou par de nouvelles menées expansionnistes; c'est seulement en coopérant avec nous qu'il sera possible d'assurer un changement politique pacifique en Europe;

  • par une politique de dialogue qui a aussi fait clairement comprendre à l'Union soviétique qu'elle trouverait en nous des partenaires ouverts dès que l'Est serait lui-même prêt; sur la base de la réciprocité et de la confiance mutuelle, notre Alliance mettra tout en oeuvre pour aider l'Union soviétique et ses alliés à devenir des nations plus pacifiques, plus démocratiques et plus prospères;

  • enfin, par notre cohésion, notre acceptation des rôles, des risques et des responsabilités de la défense collective, par une coopération conçue pour le bien de tous, nous avons réuni les facteurs nécessaires pour créer un dynamisme et une prospérité qui ont fait clairement apparaître,.même à ses chefs de file, la faillite du communisme à l'ancienne mode : l'Est ne peut espérer rattraper l'Ouest par la vertu de l'idéologie marxiste-léniniste, mais par la pratique de l'ouverture et du pluralisme, par le jeu des forces du marché et par la confrontation avec les idées et les valeurs occidentales.

Et maintenant que les fenêtres se sont ouvertes dans les sociétés fermées d'Europe de l'Est, les Alliés n'ont pas l'intention de les laisser se refermer brutalement. Il n'est pas possible de geler l'évolution politique à l'Est au nom de la stabilité. Le statu quo du passé n'était pas la stabilité; on ne saurait concevoir une stabilité qui laisse les peuples en désaccord avec leurs gouvernements, ou qui soit fondée sur la stagnation. Le statu quo servait les intérêts de l'Union soviétique; l'Ouest n'a rien à perdre et tout à gagner à sa disparition. Nous avons fixé nos objectifs lors du récent Sommet de l'OTAN. Notre vision est triple :

  • une Europe non divisée dans laquelle tous les peuples exerceraient leur droit imprescriptible à l'autodétermination, dans laquelle tous jouiraient des mêmes libertés et des mêmes opportunités économiques, et dans laquelle aucun Etat n'aurait jamais à redouter une intimidation militaire ou une agression de la part de ses voisins;

  • un nouvel ordre mondial de coopération dans lequel l'Est et l'Ouest oeuvreraient ensemble pour résoudre les problèmes les plus pressants de l'humanité : la drogue, le terrorisme, l'environnement, les tensions régionales;

  • une association transatlantique plus égale entre une Amérique du Nord forte et une Europe occidentale unie et cohérente, celle-ci assumant pleinement sa part de la défense commune et des responsabilités à l'échelle mondiale.

Pourtant, quand M. Gorbatchev parle de sa vision, de la "Maison commune européenne", ne cherche-t-il pas à rétablir le statu quo par d'autres moyens? Certes, ce concept, fondé sur un "équilibre des intérêts", paraît beaucoup plus séduisant que la confrontation militaire, mais il reste fondé sur la prémisse de la division idéologique de l'Europe, la partie orientale du Vieux Continent demeurant attachée au "socialisme" de M. Gorbatchev. Cela n'a pas grand-chose de commun avec la vision qu'a l'alliance de l'Europe, une vision qui privilégie la liberté et l'autodétermination. Néanmoins, nous utiliserons l'influence limitée dont nous disposons pour soutenir le changement en soutenant les réformes de M. Gorbatchev et d'autres dans le sens d'un développement de l'ouverture, du pluralisme, des droits de l'homme et des contacts entre les personnes. En agissant ainsi, nous servirons les aspirations de nos voisins européens. Et nous servirons aussi les intérêts de l'Ouest car, pour l'avenir, notre sécurité et notre prospérité ne peuvent être immunisées contre les forces turbulentes qui s'exercent à l'Est. Nous avons tout à gagner au succès de la réforme. Nous voulons une évolution pacifique, non pas une révolution ni un bouleversement - mais, d'autre part, le mouvement implique toujours une instabilité partielle. Rien ne saurait vraiment se substituer au changement. L'histoire ne permet pas la stagnation.

Les valeurs communistes n'ont été maintenues en Europe de l'Est que par la volonté politique et le contrôle militaire délibérés de l'Union soviétique.

Les valeurs occidentales, en revanche, ont triomphé en Europe de l'Est grâce à la vertu de l'exemple. Nous n'avons pas eu besoin de les promouvoir : la démocratie, la dignité de la personne humaine, l'ouverture, les forces du marché, l'autodétermination sont autant d'idées dont l'influence se répand de l'intérieur. L'Est vient vers l'Ouest.

L'Est et l'Ouest ne se rapprocheront pas, comme certains l'ont cru à un moment, en allant chacun vers le milieu. Le débat a lieu entièrement à nos conditions. C'est dans nos valeurs et nos systèmes que réside la clé de l'avenir politique et économique de l'Union soviétique et de ses alliés. Telle est la réalité à laquelle les dirigeants communistes doivent faire face. Avant d'édifier de nouvelles structures politiques et économiques, ils doivent trouver un moyen sûr de démanteler les anciennes. Trouver la sortie d'un labyrinthe a toujours été plus difficile que de s'y perdre. C'est une situation qu'a bien résumée l'académicien soviétique Oleg Bogomolov : "II est facile de transformer un aquarium en soupe de poisson, mais comment faire pour retransformer la soupe de poisson en aquarium?".

Le défi que représente un programme à long terme de réforme fondamentale de l'économie et de la société est déjà formidable en soi; mais il est sérieusement aggravé par la crise économique immédiate que connaissent aujourd'hui la plupart des pays d'Europe de l'Est. Le rapport de votre Com-mission politique sur la politique étrangère de l'Union soviétique à l'ère Gorbatchev est éloquent à ce sujet. Il note par exemple que la croissance économique de l'Union soviétique tombe à 1,5% et que le déficit budgétaire annoncé est d'environ 160 milliards de dollars, soit 9% du PNB. La part de l'Union soviétique dans le commerce mondial n'est que de 4% et, pour 1989, les recettes totales en devises fortes sont estimées à 24 milliards de dollars seulement, dont 18 milliards sont réservés au service d'une dette extérieure de 43 milliards de dollars. La situation des approvisionnements est aujourd'hui chaotique. Sur les 1.200 articles qui, officiellement remplissent le panier de la ménagère soviétique, 200 seulement sont largement disponibles. Ce n'est pas l'argent qui manque. Au contraire, comme votre rapport le souligne aussi, des sommes représentant environ 500 milliards de roubles sont thésaurisées parce qu'il n'y a rien à acheter. Ces pénuries sont en grande partie responsables de l'agitation actuelle des travailleurs soviétiques.

Les experts sont maintenant assez pessimistes quant au succès de la perestroïka. C'est ainsi qu'une de nos études de l'OTAN considère les per-spectives de l'économie soviétique. Elle envisage trois hypothèses : les réformes de M. Gorbatchev réussiront, elles réussiront partiellement, ou elles échoueront. Ce qui est intéressant, c'est que le résultat final semblerait ne faire que très peu de différence. Le scénario le plus favorable prévoit un taux de croissance de 2,6% seulement et le plus défavorable de 1,6%. Or ces taux limités de croissance prévus ne prennent pas en compte l'accroissement probable de la population soviétique qui les rendrait encore plus modestes. Ainsi, même dans l'hypothèse la plus optimiste, on ne s'attend pas à une croissance suffisante pour permettre une différence qualitative sensible ni pour l'économie ni pour la société soviétique.

Donc, les réformes politiques vont de pair avec les nécessités économiques - cela, au moins, apparaît clairement. Et c'est aussi vrai dans le cas des deux autres pays du Pacte de Varsovie qui se sont engagés sur la voie des réformes - la Pologne et la Hongrie. Tous deux sont durement touchés par le remboursement de leur dette extérieure; ils manquent au plus haut point de gestionnaires et d'administrateurs rompus aux techniques industrielles et commerciales de l'Ouest; tous deux se heurtent à de graves problèmes pour amener leur industrie aux niveaux compétitifs occidentaux. A Budapest, l'Institut pour la recherche économique et les études de marchés, par exemple, a déclaré que seule une entreprise hongroise sur trois survivrait à l'instauration d'un système de libre-échange avec l'Ouest. En Pologne, la situation économique touche à la catastrophe : cet été, alors que 24 pays occidentaux discutaient, à Bruxelles, de l'aide alimentaire à la Pologne, une épicerie de Katowice était devenue l'unique source de ravitaillement de 120.000 personnes. La Pologne n'est pas un pays du Tiers monde, même si son PNB par habitant est maintenant voisin de celui de l'Indonésie. Ces pays se trouvent pris dans une course contre la montre : les réformes politiques seront-elles assez rapides pour leur permettre de parer à des difficultés économiques grandissantes ? Ou ces difficultés économiques en arriveront-elles à saper les réformes politiques ?

Derrière la rhétorique de M. Gorbatchev parlant d'une Maison commune européenne, il y a la réalité d'un écart qui s'élargit entre l'Est et l'Ouest, et aussi la conscience du fait que l'Est n'est pas en mesure d'éviter par ses propres moyens une véritable tragédie à court terme, ni de seulement commencer à faire diminuer cet écart à long terme. La Déclaration du Sommet de l'OTAN a fourni à l'Ouest l'architecture conceptuelle générale dont il avait besoin dans son approche de l'Est. Car l'OTAN traite les relations Est-Ouest d'une façon globale; l'Alliance intègre les facteurs économiques aux autres éléments de ces relations : la sécurité militaire, le changement politique, le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Aider l'Est à opérer des réformes n'est pas seulement une tâche d'ordre économique; c'est aussi, et avant tout, un défi politique. Nous ne pouvons pas diviser notre stratégie entre trois voies distinctes - économique, politique, militaire - et la laisser évoluer séparément dans chacune de ces voies. Dans quelles limites, par exemple, devrions-nous accorder une aide financière à un pays qui dépense toujours del5à!7%deson PNB pour se doter d'armes en grande partie dirigées contre nous ? Comment pouvons-nous persuader un banquier occidental de placer son argent en Hongrie quand il peut investir dans un pays qui, comme la Tchécoslovaquie ou la RDA, a un comportement bien pire dans le domaine des droits de l'homme, mais une bien meilleure position de solvabilité internationale ?

Les jugements auxquels il faut arriver sont hautement politiques. Même si l'Alliance n'a pas la responsabilité de programmes d'aide spécifiques, seule l'OTAN peut harmoniser et coordonner les efforts déployés par l'ensemble des pays membres dans ces travaux d'Hercule; seule l'OTAN y fait jouer les ressources combinées de l'Amérique du Nord et de l'Europe occidentale.

La stratégie de notre Alliance est véritablement une stratégie intégrée. Nous offrons à l'Est une coopération; en fait, après le Sommet de l'OTAN, les gouvernements des pays alliés ont déjà commencé à mettre cette coopération en pratique :

  • aide alimentaire à la Pologne - 24 pays occidentaux y participent; les Etats-Unis ont doublé leur aide;

  • mesures destinées à faciliter les échanges commerciaux, comme l'accord économique récemment conclu entre la CEE et la Pologne, ou la décision des Etats-Unis d'accorder à la Hongrie le statut de partenaire commercial le plus favorisé;

  • établissement prévu, en Pologne et en Hongrie, de sociétés fiduciaires dans le cadre d'entreprises privées;

  • crédits destinés à des projets de lutte contre la pollution;

  • entreprises conjointes;

  • facilités et stages de formation à l'intention de gestionnaires de l'Est;

  • réexamen de la dette de la Pologne et de la Hongrie;

  • bourses pour l'étude des institutions occidentales.

Nous centrons la majeure partie de nos efforts sur la Pologne et la Hongrie, c'est-à-dire sur les deux pays qui prennent les mesures politiques nécessaires pour se rapprocher de la démocratie et pour créer les conditions politiques qui donneront à leurs réformes d'assez bonnes chances de succès. La Pologne et la Hongrie sont les deux cas-tests pour la stratégie de notre Alliance. Si les réformes échouent, les leçons n'en seront pas perdues pour les tenants de la ligne dure en Tchécoslovaquie et en Allemagne de l'Est. Mais si elles réussissent, cette réussite engendrera des pressions irrésistibles en faveur d'un changement analogue dans toute l'Europe de l'Est.

Il est clair que le succès de ce programme occidental dépend d'une refonte totale des relations Est-Ouest. Or, tel est bien notre objectif, et c'est ainsi que l'OTAN propose à l'Est un certain nombre de défis raisonnables :

  • par-dessus tout, le Pacte de Varsovie doit ramener ses forces en Europe de l'Est à un niveau tel qu'une attaque en devienne impossible; j'appelle les pays du Pacte à accepter nos propositions visant à éliminer les disparités dans le domaine conventionnel, et à adopter des mesures énergiques de stabilisation et de vérification;

  • les réformes économiques ne doivent pas être destinées uniquement à atténuer les pressions économiques immédiates, mais doivent tendre à mettre en place de façon durable les mécanismes du marché;

  • il faut permettre à des institutions démocratiques de voir le jour;

  • les droits de l'homme, de même que les engagements pris aux termes de l'Acte final d'Helsinki, doivent être intégralement respectés; c'est à cette seule condition que les gouvernements des pays de l'Est pourront persuader la population de ces pays d'accepter les sacrifices liés à la réforme, et d'oeuvrer à la reconstruction nationale;

  • l'Union soviétique et ses alliés doivent coopérer avec nous sur les grands problèmes mondiaux - pollution de l'environnement, terrorisme, prolifération des armes dangereuses, tensions régionales.

L'époque de l'après-guerre est révolue. Nous assistons à une profonde transformation de la structure de l'Europe sur le plan politique comme sur celui de la sécurité. Cela nous offre des occasions que nous ne pouvons pas, et que nous ne voulons pas, laisser s'échapper. Et, en effet, nous ne nous accordons aucun répit : loin de rester passifs, nous nous employons à façonner l'avenir. Notre Alliance est avant tout une Alliance politique, aux tâches éminemment politiques. Son rôle futur est manifestement double. Elle sera un instrument du changement politique, mais aussi un gage de stabilité militaire. Notre devise est "le changement dans la sécurité".

Nul ne contestera que l'Alliance est en pleine offensive politique. Mais toute stratégie politique doit avoir une base solide. Cela ne signifie pas que nos moyens de défense doivent rester au même niveau qu'aujourd'hui. Nous avons tout fait pour que s'ouvrent les négociations de Vienne sur les FCE, et nous avons mené, et continuons de mener, une action qui bouleverse bien des concepts, pour permettre une évolution vers des appareils défensifs moins menaçants. La réponse des Soviétiques à Vienne a été extrêmement encourageante; et après la rencontre dans le Wyoming entre les ministres des Affaires étrangères des Etats-Unis et de l'Union soviétique, il se pourrait que l'on enregistre bientôt des progrès décisifs dans les conversations START de Genève et les négociations sur l'interdiction des armes chimiques à l'échelle mondiale. Le délai d'un an que nous nous sommes fixé pour parvenir à un accord sur les FCE est ambitieux mais réaliste. Cependant, il y a deux facteurs que nous ne pouvons pas perdre de vue :

Premièrement:
le problème qui existe entre l'Est et l'Ouest n'est pas tant un problème d'armes et de soldats, car ce ne sont pas eux qui ont causé la division de l'Europe. Les tensions ne pourront être surmontées que par l'instauration d'un nouvel ordre politique supprimant toute entrave à la liberté et à l'autodétermination. Avec un tel ordre politique, les armées deviendraient inutiles.

Deuxièmement:
l'objectif de la maîtrise des armements est d'introduire dans le système de sécurité Est-Ouest une plus grande coopération, et de le rendre plus sûr, plus transparent, à des niveaux d'armements moins élevés; il ne consiste pas à abolir ce système de sécurité. Nos armements ne sont pas le simple reflet des armements de l'autre camp; ils existent à cause des instabilités politiques auxquelles nous sommes confrontés. Quel que soit le scénario envisagé, notre turbulent voisin de l'Est restera l'enfant terrible de toute structure de sécurité européenne - trop grand pour parvenir à la cohésion interne, trop différent pour être membre d'une communauté de nations européennes exactement comme d'autres pays. Si importantes qu'elles soient, la maîtrise des armements et la diplomatie ne peuvent suffire à la réalisation de cet objectif; elles doivent s'appuyer sur une défense solide. Ainsi, les armes et les concepts opérationnels que nous conserverons au terme d'une réduction multilatérale des forces devront rester modernes et efficaces. Même avec l'amélioration spectaculaire des relations Est-Ouest, l'Alliance ne peut se permettre une sécurité au rabais.

Je ne vous cacherai pas ma préoccupation devant une tendance que j'observe aujourd'hui dans la plupart des pays membres, qui commencent à réduire unilatéralement leurs efforts de défense, compromettant ainsi les résultats futurs d'éventuels accords de maîtrise des armements. C'est ce que j'appelle le désarmement structurel. Une telle politique est à la fois erronée et dangereuse. Et notre opinion publique ne nous en fait même pas crédit.

Il y a donc pour vous, parlementaires, deux manières d'assurer la réalisation des grands desseins politiques de l'OTAN : premièrement, soyez assez convaincants pour faire apparaître qu'un désarmement structurel est pour nous, le camp le plus faible, inacceptable. Il va à rencontre d'une véritable maîtrise des armements, car il ne peut que saper notre position à Vienne alors même que s'offre une occasion comme nous n'en avons jamais connue; deuxièmement, usez de votre influence pour promouvoir un développement des contacts et des échanges Est-Ouest et pour faire du programme de réformes occidental un programme original et audacieux. L'Assemblée de l'Atlantique Nord a toujours eu deux rôles clés : réunir des parlementaires de l'Alliance pour qu'ils discutent de questions d'intérêt commun, et mieux informer le public sur la mission et les objectifs de l'OTAN. Depuis vos visites récentes en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Pologne et en Union soviétique, un troisième s'y est ajouté - celui qui consiste à créer une tradition parlementaire en Europe de l'Est. Peut-on imaginer plus noble cause ? Sachez, en tout cas, que je vous soutiens, et que je compte sur vous.

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