Droits de l'homme | La défense de la dignité humaine

05 décembre 2008

Portrait : John Humphrey

 
Eleanor Roosevelt et John Humphrey
Mme Eleanor Roosevelt et M. John Humphrey

L'avocat, diplomate et universitaire canadien John Humphrey a surmonté de rudes épreuves durant son enfance avant de devenir un expert reconnu en droit international, chef de la division des droits de l'homme au Secrétariat de l'ONU puis l'un des principaux architectes de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Né en 1905 au Nouveau-Brunswick (Canada), John Humphrey perdit son bras droit dans un incendie à l'âge de 6 ans. Ses parents décédèrent durant son enfance. Il fit des études supérieures à l'université de Mount Allison, au Nouveau Brunswick, et à l'Université McGill, à Montréal, où il étudia le commerce et le droit. Après avoir obtenu son diplôme, il a pratiqua le droit jusqu'en 1936. Puis il enseigna à la faculté de droit de l'université McGill où il acquit la réputation d'expert en droit international.

Alors qu'il prenait des vacances prolongées avec son épouse, John Humphrey reçut un coup de téléphone d'un vieil ami, Henri Laugier, dont il avait fait la connaissance quand ce dernier vivait à Montréal en tant que réfugié. M. Laugier était à présent secrétaire général adjoint des Nations unies et responsable des affaires sociales. Au lieu d'évoquer le passé, M. Laugier avait une question : John Humphrey accepterait-il d'assumer la direction de la division des droits de l'homme au Secrétariat de l'ONU ? Ce poste nouvellement créé visait à protéger les droits de l'homme et à encourager leur respect. L'une de ses missions principales serait de travailler avec la Commission des droits de l'homme. M. Humphrey accepta et, en août 1946, il entra aux Nations unies.

S'acquitter de cette tâche n'était pas facile. Il fallait innover mais on était toujours en territoire inconnu, a écrit John Humphrey dans ses mémoires, Les droits de l'homme et les Nations Unies : Une grande aventure. Une commission préliminaire sur les droits de l'homme avait jeté les bases de la création de la commission permanente. Mais il n'existait aucune instruction sur la façon de remplir l'objectif de la commission, c'est-à-dire la rédaction d'une déclaration internationale des droits de l'homme.

John Humphrey passa le deuxième semestre de 1946 à recruter son personnel et à s'adapter à la vie à New York, où l'Organisation des Nations unies avait établi son siège. La Commission des droits de l'homme entama ses travaux le 27 janvier 1947 dans une ambiance que John Humphrey décrivit comme optimiste et enthousiaste. Les dix-huit membres de cette commission présidée par Eleanor Roosevelt représentaient une vaste gamme de vues idéologiques ; ce faisant, la commission reflétait la réalité politique, mais la diversité des points de vue compliquait grandement la tâche qui consistait à formuler un document acceptable par tous. Mme Roosevelt limita à huit le nombre des membres du comité de rédaction. Mais les divergences menaçaient toujours de bloquer tout progrès dans la rédaction du texte. Certains membres de la commission, à savoir Zhang Pengjun, Charles Malik et Eleanor Roosevelt, décidèrent que John Humphrey rédigerait le projet de déclaration.

Fuyant l'agitation de son bureau, John Humphrey se réfugiait dans son logement temporaire au Lido Beach Hotel situé à Long Beach (État de New York). Utilisant comme base de travail une variété d'avant-projets de différents organismes privés et non gouvernementaux, il décrivit 48 articles en 400 pages. Ce document fut connu sous le nom de plan du Secrétariat. Le rôle joué par John Humphrey en tant que principal auteur du premier projet de déclaration resta inconnu jusqu'en 1988. Il ne voulait revendiquer aucun mérite. « Dire que j'ai rédigé le projet à moi seul serait absurde.... la Déclaration finale était l'œuvre de centaines de personnes », déclara-t-il un jour à un journaliste.

Effectivement, des centaines de personnes modifièrent le document original. En fait, des débats prolongés faillirent empêcher l'Assemblée générale des Nations unies de voter l'approbation de la Déclaration universelle. Le vote final eut lieu dans la nuit du 10 décembre 1948, deux jours seulement avant l'ajournement prévu de la session.

La Déclaration fut adoptée avec huit abstentions et aucun pays ne vota contre.

L'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme fut un événement transformateur. « Il n'a jamais existé d'événement plus révolutionnaire dans la théorie et la pratique du droit international et dans la vie d'une organisation internationale, que la reconnaissance du fait que les droits de l'homme sont une responsabilité universelle », a écrit John Humphrey.

Les fonctions de John Humphrey aux Nations unies durèrent jusqu'à son retour à McGill, en 1966. Mais il restait résolu à protéger les droits de l'homme. Il cofonda la Fondation canadienne des droits de l'homme et la filiale canadienne d'Amnesty International. Il enquêta sur les violations des droits de l'homme aux Philippines, représentant des Coréennes utilisées comme « femmes de réconfort » par les Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale, et fit campagne en faveur de compensations pour les prisonniers de guerre canadiens qui avaient été maltraités durant ce conflit. Ses efforts inlassables lui valurent le titre d'Officier de l'Ordre du Canada, la plus haute distinction civile du pays.

Lors du quarantième anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme, M. Humphrey se vit décerner par l'ONU le Prix des droits de l'homme, qui récompense les personnes ayant apporté des contributions exceptionnelles à la promotion et à la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il mourut six ans plus tard, à l'âge de 89 ans.

  - Meghan Loftus

Créer un signet avec :    Qu'est-ce que c'est ?