En juin 2008, au 85e congrès annuel de la Société canadienne de pédiatrie (SCP) qui aura lieu à Victoria, en Colombie-Britannique, une nouvelle section de la SCP tiendra sa séance de travail inaugurale. Il s’agit de la section de la santé environnementale en pédiatrie, qui rassemblera des pédiatres, des professionnels de la santé et des scientifiques intéressés à promouvoir une démarche probante à la fois pour ce qui est des problèmes de santé environnementale importants pour les enfants et les adolescents et de la formation des professionnels de la santé et du public à cet égard.
Pour bien des personnes familières avec l’intense intérêt public (et parfois politique) envers l’environnement, il peut sembler surprenant que la SCP ne soit pas déjà dotée d’une telle section. Une grande partie de la réticence envers la santé environnementale de la part des pédiatres canadiens provient de la perception selon laquelle certaines personnes qui se prétendent « environnementalistes » ne sont pas particulièrement au fait des qualités des preuves qu’à titre de médecins, nous appliquons régulièrement aux enjeux scientifiques. Cependant, les fondateurs de la nouvelle section trouvent qu’il s’agit là de l’une des fonctions potentielles les plus importantes d’une section : rassembler les personnes intéressées par le sujet en vue d’un apprentissage mutuel, afin que l’information largement véhiculée soit plus susceptible d’avoir fait l’objet d’un examen attentif par des experts dans le domaine et qu’elle soit ainsi plus crédible. Bien sûr, les données probantes selon lesquelles les maladies infantiles seraient reliées aux influences environnementales continuent de s’accumuler (1).
La sensibilisation publique aux inquiétudes en matière de santé environnementale s’accroît tandis que les médias s’intéressent à des problèmes environnementaux comme la pollution de l’air, les changements climatiques, la contamination des aliments et de l’eau et même les rappels de jouets d’enfants en raison du danger d’exposition au plomb.
Selon des données probantes, les taux de plomb dans le sang qui respectent les limites réglementaires actuelles pourraient, chez les jeunes enfants, causer des lésions neurodéveloppementales dans le cerveau et le système neurologique immature encore en développement (2). Les taux de pollution de l’air conformes aux limites réglementaires pourraient nuire à la croissance de la fonction pulmonaire chez les enfants canadiens (3). Pour des raisons qui ne sont sûrement pas claires, nous observons une croissance constante de l’incidence de l’asthme, mais il n’y a pas de doute que les influences environnementales comme la pollution de l’air, qu’elles soient ou non causales, exacerbent de nombreux cas. D’autres problèmes éveillent sporadiquement des inquiétudes : la qualité de l’eau, mise en évidence après la contamination de l’eau à Walkerton (en Ontario), les pesticides, qui refont périodiquement surface à titre de produits préoccupants tandis que des groupes de nombreuses collectivités et de nombreuses provinces luttent pour qu’on adopte des règlements afin d’en restreindre l’utilisation pour des raisons esthétiques, et les contenants de plastique (et instruments médicaux), proscrits en raison de leur contenu en phtalate ou en bisphénol A.
Les inquiétudes quand à l’exposition des enfants, qui pourrait entraîner des maladies à l’âge adulte, mettent en lumière la longue période de latence de certaines maladies. Par exemple, de nombreuses publications récentes (4,5) laissent entendre que l’exposition à long terme à certains pesticides peut s’associer à des leucémies et à des lymphomes.
La création du comité consultatif d’experts trinationaux de la Commission de coopération environnementale représente une étape importante dans le processus visant à donner de la crédibilité à la science environnementale en santé infantile. Ce comité a été formé pour conseiller les ministres de l’environnement du Mexique, des États-Unis et du Canada sur des enjeux reliés à la santé infantile et à l’exposition à l’environnement (6,7). Depuis, le gouvernement du Canada a mieux défini sa collaboration intergouvernementale au sein du comité (8). Santé Canada a démontré son engagement à protéger les enfants des risques environnementaux en commanditant un congrès international sur le sujet à Edmonton, en Alberta, en mars 2006 et, plus récemment, un congrès national à Ottawa, en Ontario. Celuici a réuni des centaines de participants pour discuter de ces problèmes. Certains points de vue étaient controversés, mais tous ont convenu que l’environnement exerce une influence considérable sur la santé infantile, souvent méconnue ou contestée. Il est d’ailleurs urgent de réagir à certains problèmes.
L’American Academy of Pediatrics possède un comité de la santé environnementale depuis plusieurs années. Ce comité a publié des documents de principes précieux et même un livre que beaucoup perçoivent comme l’une des ressources en santé environnementale les plus importantes pour les professionnels de la santé infantile (9). Le comité a maintenant fusionné pour devenir un « nexus » en santé environnementale, qui combine les fonctions d’un comité et d’une section pour former un seul grand réseau. L’absence d’une telle ressource au sein de la Societé canadienne de pédiatrie offre un contraste marqué avec l’approche active adoptée aux États-Unis envers la santé environnementale en pédiatrie.
Quel est le rôle des pédiatres canadiens dans ces débats? En qualité d’experts de la santé des enfants et des adolescents, nous sommes souvent les premiers à qui on demande conseil. Nous voyons des enfants asthmatiques, atteints de troubles neurodéveloppementaux, de leucémie ou de lymphome, et il nous faut dépister les influences environnementales susceptibles d’être en jeu dans nos collectivités. Nous devons apprendre à enquêter sur les maladies reliées à l’environnement et à les prendre en charge. Nous pouvons former d’autres professionnels et le public à de bonnes pratiques de prévention. Nous pensons que la formation des résidents, notamment, n’est pas uniforme dans les programmes postdoctoraux du Canada. Par exemple, la nouvelle section pourrait désirer exercer des pressions pour que la santé environnementale en pédiatrie soit intégrée à la fois au programme et aux examens, comme ceux du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Nous devrions préconiser le changement lorsque nous sommes témoins de politiques ou de pratiques environnementales qui menacent la santé des enfants. Nous devons être aux premières lignes de ce débat, et la nouvelle section de la santé environnementale en pédiatrie permettra aux pédiatres canadiens de devenir les porte-parole qu’ils devraient être auprès de la population qu’ils servent, en enseignant et en prônant des politiques en santé environnementale qui soient à la fois probantes et responsables.