28 décembre 2007

Les caucus : complexes, oui, mais significatifs ?

L'Iowa est le premier État qui sélectionne les candidats à la présidence des États-Unis par voie de débats dits « caucus ».

 
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John Edwards
Le candidat démocrate John Edwards se présente à des électeurs avant les caucus d'Iowa. (© AP Images)

Washington - Dans son œuvre Alice au pays des merveilles, publiée en 1885, l'auteur britannique Lewis Carroll présente entre autres une satire du processus politique à l'américaine dénommé « course au caucus ». Organisée par le Dodo (gros oiseau préhistorique dont Lewis Carroll fait l'un de ses personnages), cette course n'est régie par aucune règle logique. Au signal du départ, les divers animaux qui y participent dans Alice se mettent à courir dans tous les sens. À un moment donné, le Dodo déclare la course terminée. Les participants lui demandent alors qui a gagné. Et après avoir mûrement réfléchi, le Dodo répond que tout le monde a gagné et que tout le monde doit recevoir un prix.

Vu de l'extérieur, le caucus électoral peut paraître aussi saugrenu et dénué de sens que la course décrite par Lewis Carroll. Comme le dit le Dodo à Alice : « La meilleure façon de l'expliquer, c'est de la faire ». En fait, le caucus est un processus très dynamique où l'on investit du temps, où l'on parle, où l'on prend des décisions, où les allégeances forgées se réalignent lorsqu'un candidat en faveur ne recueille pas suffisamment d'appui pour être considéré comme « viable ».

Le caucus est essentiellement une assemblée de quartier. D'origine amérindienne, le caucus désignait une conférence de chefs de tribus. Dans le processus électoral américain, les tribus sont les partis politiques et les chefs sont les militants des partis et les citoyens intéressés. L'Iowa est le premier d'une bonne dizaine d'États qui tiendront un caucus pour choisir le candidat auquel ils accorderont leur appui lors des conventions nationales démocrate et républicaine de 2008. La plupart des autres États recourent, pour ce choix, au processus plus simple de l'élection primaire : les électeurs votent et le candidat qui recueille la majorité des voix gagne.

Pratique politique américaine aussi saugrenue sinon plus que le Collège électoral, le caucus est un rituel qui peut être particulièrement embrouillant. Ils datent tous deux des premiers jours de la nation, bien avant l'apparition des élections primaires au début du XXe siècle. La procédure du caucus varie selon les États et les partis politiques.

L'élément commun des caucus est la parole. Les partisans se réunissent pour appuyer leur candidat et pour convaincre les autres d'en faire autant. Dans l'Iowa, « les démocrates tiennent un caucus public alors que les républicains votent à bulletins secrets, et les démocrates doivent être prêts à déclarer publiquement leur préférence, chose inhabituelle en politique américaine », note David Redlawsk, professeur de science politique et directeur du sondage Hawkeye de l'université de l'Iowa. Ce sondage suit le parcours des candidats à la présidence avant les caucus.

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Slater (Iowa)
Des résidents de l'Iowa se réunissent pour un débat sur les candidats présidentiels avant le caucus. (© AP Images)

De nos jours, une mère de famille peut participer aux débats du caucus aux côtés d'un militant de l'un des partis, mais il n'en a pas été toujours ainsi. À l'origine, seuls les responsables des partis décidaient de la nomination du candidat, indique Cary Covington, autre spécialiste en questions électorales de l'université de l'Iowa. « Quand les partis ont accédé au rang d'acteurs politiques établis dans les années 1820 et 1830, ils se sont perçus comme agissant au nom des gens, au lieu de laisser les gens agir eux-mêmes », dit-il ; les partis ont considéré les nominations « comme une question d'organisation privée, les électeurs n'ayant pas à se mêler de l'histoire jusqu'au moment de l'élection générale ».

Tout cela a changé en 1972, lorsque le parti démocrate a exigé que les délégations des États soient représentatives des électeurs. « La représentation des groupes précédemment exclus en a fait un processus plus ouvert et plus public », dit M. Covington. Le parti républicain n'a pas tardé à suivre cet exemple et c'est ainsi que les caucus des États se sont démocratisés.

C'est là un exemple de l'évolution des institutions politiques américaines qui se conforment à la volonté exprimée par le peuple, processus que ne prévoyait pas la Constitution. Les fondateurs de la nation souhaitaient protéger la démocratie dans sa petite enfance. « Les dirigeants de notre pays se méfiaient du peuple, dit M. Covington ; ils craignaient que les citoyens moyens ne soient guidés par l'émotion et pas par la raison. »

Les démocrates dépassent les républicains par la complexité de leurs caucus. On peut dire pour simplifier que les caucus démocrates sont fondés sur la représentation proportionnelle. Seuls les candidats qui recueillent plus de 15 % du soutien des membres du caucus sont considérés comme viables. Les partisans des perdants procèdent alors à un « réalignement », processus qualifié de « dynamique » par M Redlawsk qui a été président d'un caucus démocrate.

« On discute ferme ; on s'efforce de convaincre les autres ; les groupes non viables peuvent essayer de se rallier des supporters pour devenir viables ; d'autres groupes courtisent les gens non viables. ». Les supporters s'assemblent dans différents coins de la même salle pour procéder au calcul des voix en faveur de leurs candidats respectifs.

Les caucus exigent un investissement de temps appréciable. « Les gens qui participent au caucus sont sans doute les électeurs les plus politiquement motivés et informés du pays », dit M. Redlawsk. La plupart des caucus démocrates appliquent le principe de la représentation proportionnelle et les caucus républicains un système de scrutin simple.

Bien qu'il remonte à l'année 1846, ce n'est que depuis les années 1970 que le caucus de l'Iowa fait figure d'indicateur pilote de l'élection, sa date ayant été avancée à cette époque pour en faire « le premier de la nation ». Jimmy Carter, futur 39e président, a mené une campagne vigoureuse en Iowa, qui a été pour lui le tremplin de la victoire. Toutefois, malgré la publicité actuelle des médias et des partis, le caucus n'est pas un bon indicateur des préférences de l'électorat. Les taux de participation aux caucus sont traditionnellement faibles et les participants sont souvent les membres des partis politiques les plus motivés. « Ce ne sont pas des élections générales pour tout le monde, explique M. Redlawsk ; c'est un processus par lequel le parti détermine qui va le représenter. »

Le caucus de l'Iowa effectue un tri, dit-il ; « il ne prévoit pas nécessairement qui remportera la victoire en dernière analyse. Il élimine sans doute les perdants, mais pour ceux qui continuent après l'Iowa, rien n'est décidé définitivement. »

(Les articles du "Washington File" sont diffusés par le Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat. Site Internet : http://usinfo.state.gov/francais/)

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