Élections 2008 | Le peuple américain choisit ses dirigeants

30 décembre 2008

La désignation du personnel présidentiel

 
Stuart Holliday
Stuart Holliday répond aux questions de la presse à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU en avril 2005.

Entretien avec Stuart Holliday

Quand un nouveau président se prépare à s’installer à Washington, il a des promesses électorales à tenir et un programme de travail à mettre en chantier. Toutefois, pour commencer, il doit désigner un groupe de personnes qui l’aideront à entreprendre sa mission. Un nouveau président a entre huit mille et dix mille postes à pourvoir dans l'administration fédérale, dont les effectifs atteignent près de trois millions de personnes, civils et militaires y compris. Le président nouvellement élu doit donc choisir soigneusement les personnes qui l’aideront à traduire ses aspirations dans la pratique.

 

Stuart Holliday a fait partie de l’équipe de transition du président George W. Bush en qualité d’assistant spécial et il a été directeur adjoint du personnel présidentiel à la Maison-Blanche de 2000 à 2001. De 2003 à 2005, il a occupé les fonctions de représentant des États-Unis chargé des affaires politiques spéciales à l’ONU. Il est actuellement à la tête du Centre international Meridian, organisme spécialisé dans la diplomatie publique à Washington. Il a répondu aux questions de Charlene Porter, de l’équipe de rédaction de la revue eJournal USA, au sujet de la méthode de sélection du personnel.

Question - Un président qui vient d’être élu doit former un gouvernement capable de fonctionner en peu de temps et il doit désigner des milliers de hauts responsables. C’est une tâche énorme qui doit être accomplie très rapidement. Quelles étaient certaines des questions prioritaires quand vous avez participé à cette tâche ?

M. Holliday - Tout d’abord, il y a deux tâches essentielles. La première consiste à mettre en place un nouveau gouvernement, en commençant par les ministres et les principaux conseillers de la Maison-Blanche. La seconde, c’est d’assurer la continuité du gouvernement pour que la transition se fasse en douceur en ce qui concerne les fonctions qui ne doivent pas être interrompues. C’est une question de la plus haute importance, en particulier depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Question - Le personnel est-il un élément clé pour assurer la continuité ?

M. Holliday - Tout à fait. À certains postes, il faut s’assurer qu’on est prêt à fonctionner dès le premier jour en pouvant compter sur une équipe capable de servir le public. En règle générale, le nouveau président s’emploie d’abord à former son gouvernement, en commençant par le secrétaire d’État (ministre des affaires étrangères), le ministre de la défense et le ministre des finances, qui représentent les échelons les plus élevés du gouvernement. Ensuite, il poursuit le travail en finissant de nommer les autres ministres.

L’équipe chargée de la transition œuvre en étroite collaboration avec les membres du nouveau gouvernement pour sélectionner les chefs des directions ministérielles, dont la nomination doit être entérinée par le Sénat.

Question - Doter en personnel les milliers de postes à pourvoir peut prendre un an, voire plus, mais, si je vous comprends bien, vous dites qu’il y a certains fauteuils qu’un nouveau président ne veut pas voir vides ne serait-ce qu’un seul jour ?

M. Holliday - C’est exact, en particulier en ce qui concerne la sécurité intérieure, la défense, les services de renseignement et les postes diplomatiques. Il y a dans ces domaines un grand nombre de postes qui doivent faire l’objet d’une transition méticuleuse.

Question - Il y a des spécialistes qui rappellent la règle des « trois P » à un nouveau président : « personnel, processus, politique ». Comment le personnel désigné au cours des premiers mois très chargés de la période de transition influence-t-il le cours des années à venir ?

M. Holliday - Selon un vieil adage, « le personnel et la politique se confondent » la première année d’un gouvernement, et cette remarque me paraît très juste. De toute évidence, le nouveau président a fondé sa campagne sur un ensemble de dossiers prioritaires et de questions qui lui tiennent à cœur et qu’il veut voir mettre en œuvre. Le point le plus important, c’est de comprendre le travail qui est à faire, et c’est ce qui détermine le choix des personnes qui seront affectées aux divers postes. La politique dans un domaine donné doit être appliquée et affinée en cours de route. En liaison avec les nouveaux ministres, un nouveau président va établir les grandes lignes du programme de travail qu’il veut exécuter pendant les cent premiers jours de son mandat et qui correspondent à ce qu’il veut accomplir. En général, le président n’a pas toute son équipe en place, ni même la moitié, pendant les cent premiers jours de son mandat. Dans une grande mesure, donc, il doit travailler avec le Congrès et le personnel de la Maison-Blanche pour faire avancer son programme.

Question -Vous avez travaillé dans le service du personnel de la Maison-Blanche jusqu’en 2001. Est-ce que la plupart des huit mille à dix mille postes avaient été pourvus au moment de votre départ ?

M. Holliday - À la fin de la première année, presque tous étaient pourvus, mais les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont incité le Sénat à entériner les nominations plus rapidement. L'examen par le Sénat des nominations avait été très lent tout au long du printemps et de l’été 2001. La phase de sélection, des enquêtes sur le passé des personnes nommées et de confirmation des nominations peut s’étaler sur plusieurs mois. Toutefois, à la fin de la première année, tous les postes pour lesquels le Sénat devait entériner la nomination des candidats avaient été pourvus.

Question -Au total, ce sont environ cinq cents personnes dont la nomination doit être entérinée par le Sénat. Une fois que ces hauts responsables sont en poste, n’ont-ils pas un grand pouvoir discrétionnaire qui leur permet de mettre en place des subalternes, ce qui signifie qu’une partie de la désignation du personnel échappe à la Maison-Blanche ?

M. Holliday - C’est vraiment un effort d’équipe, et de toute évidence les personnes qui vont faire partie de l’équipe d’un ministre doivent être des personnes que celui-ci veut intégrer à son équipe. Il est cependant très important que la Maison-Blanche conserve un droit de regard qui garantit le recrutement des personnes les plus compétentes et leur intégration au gouvernement. C’est un effort d’équipe.

Question - Dans quelle mesure les considérations politiciennes interviennent-elles dans les décisions, par exemple le fait de satisfaire une certaine aile du parti avec telle ou telle nomination ou d’apaiser des mécontents avec une autre ?

M. Holliday - Depuis l’époque des Pères fondateurs, la question de l’équilibre entre le favoritisme politique et les qualifications s’est toujours posée. Ces dernières années, il est devenu très important que les postes de grande responsabilité soient pourvus par des personnes extrêmement qualifiées. Les électeurs, les représentants et les sénateurs, les gouverneurs et les campagnes politiques, tous font des recommandations en matière de recrutement, et ce sera toujours le cas. Cependant,  toutes les nominations doivent être fondées sur le mérite ; il faut qu’elles le soient au bout du compte. La meilleure façon de servir un président, c’est de mettre en place des personnes très compétentes dans ces postes.

Question - Et comment peut-on être sûr qu’elles le sont ? Quelles sortes de questions faut-il poser ?

Colin Powell, George Bush et Dick Cheney
Ancien général, Colin Powell est le premier ministre que George W. Bush ait nommé en décembre 2000.

M. Holliday - Le meilleur conseil que j’ai jamais reçu, c’est que les antécédents d’un candidat permettent de prédire ce qu'il fera à l’avenir. Quand on recherche des candidats compétents, il ne s’agit pas simplement de leur demander ce qu’ils feraient dans telle ou telle circonstance. Il faut rechercher dans leurs antécédents ce qu’ils ont fait qui s’apparente aux objectifs à atteindre dans un poste donné. Avant tout, on le voit, le mérite est évalué à l’aune des résultats obtenus antérieurement et à la lumière de ce qu’on espère accomplir dans les divers postes.

L'examen détaillé du dossier des candidats est quelque chose d’un peu différent. Les vues de ces personnes sont-elles compatibles avec le programme de travail global du gouvernement ? La nomination de ces personnes pourra-t-elle être entérinée par le Sénat ? Ces personnes ont-elles le tempérament voulu pour l’emploi ? Y a-t-il quoi que ce soit dans leurs antécédents qui pourrait les disqualifier ? C’est là qu’on fait la distinction entre le service du personnel de la Maison-Blanche et les conseillers juridiques de la Maison-Blanche.

Question - Pourriez-vous développer votre pensée ?

M. Holliday - La Maison-Blanche a une large équipe de conseillers juridiques qui travaillent avec l’Office chargé des questions d’éthique et les services juridiques des ministères pour mener des enquêtes sur le passé des candidats et pour préparer ceux-ci aux auditions que le Sénat doit tenir avant de donner son consentement.

Question - Il s’agit donc d’un processus à deux temps. Le bureau du personnel identifie des candidats solides, puis il passe leur nom à l’équipe juridique qui examine leur dossier ?

M. Holliday - Exactement. Il faut aussi mentionner les conditions draconiennes qui sont posées en matière de dessaisissement d'avoirs financiers et de normes éthiques, lesquelles font que l’entrée au service de l'État est une proposition coûteuse pour certaines personnes. Il ne faut pas croire que la procédure est superficielle.

Question - Les candidats dont la nomination doit être entérinée par le Sénat sont soumis à des auditions qui se déroulent en présence de tout un parterre de photographes, dans la lumière des projecteurs de télévision installés face à eux. Comment prépare-t-on les candidats à ce genre d’expérience ?

M. Holliday - La première chose à faire, c’est de s’assurer qu’ils comprennent bien les règles pertinentes et ce qui les attend. Il faut ensuite les préparer aux auditions elles-mêmes en organisant des simulations au cours desquelles on leur pose des questions difficiles. Il est aussi très important que les candidats ne s’avancent pas trop,  qu’ils s’abstiennent de dire précisément ce qu’ils feraient une fois en fonction.

La meilleure chose qu’un candidat puisse faire dans cette circonstance au Sénat, c’est d’écouter les membres de la commission compétente. Ceux-ci auront beaucoup à dire sur les questions auxquelles le candidat devra faire face, et il n’est pas recommandé de se quereller avec la commission compétente avant même d’assumer ses fonctions.

Question - Est-ce qu’on a recours à des formules mathématiques ? Par exemple, est-ce qu’un président va décider que tel pourcentage de ses collaborateurs doit avoir de l’expérience au Congrès, tel pourcentage doit avoir pris part à sa campagne électorale ?

M. Holliday - Je crois que, dans la plupart des cas, le nouveau gouvernement veut scruter toute la scène nationale à la recherche de personnes de talent et s’assurer d’une grande diversité, sur le plan de l’expérience, de l’ethnicité, des antécédents et du sexe, pour être représentatif du pays. Mais quand on parle d’emplois précis, la question devient plus difficile parce qu’elle ne se pose plus de manière générale. Il s’agit alors de trouver des personnes bien précises. Certes, on dispose de lignes directrices générales en ce qui concerne le type d’expérience recherchée, et il faut ensuite les appliquer concrètement dans le cadre du processus de sélection. La tâche peut être difficile, en particulier dans certains domaines.

Les personnes issues du Congrès possèdent une expérience certaine dans le domaine politique et elles sont sur place, à Washington, ce qui veut dire qu’on a facilement accès à elles. On peut partir du principe que les candidats provenant de ce milieu seront dans leur élément naturel, et par conséquent le défi consiste à sortir du cadre de Washington. Mais, inévitablement, les gens qui font partie du dispositif de la prise de décisions du gouvernement ont un avantage dans certains domaines, en particulier là où s’imposent des compétences très spécialisées.

Question - Historiquement, dans quelle mesure le succès du président tout au long de son mandat dépend-il des décisions qui sont prises à ce stade, de la qualité des candidats qu’il désigne dans les tout premiers jours ?

M. Holliday - Je crois que c’est absolument crucial. Vous pouvez examiner la plupart des questions qui définissent un mandat présidentiel et les rattacher aux décisions prises en matière de personnel.

Question - C’est une assertion vraiment générale.

M. Holliday - Oui. En bien ou en mal, quand on gère une crise, on compte sur les personnalités dirigeantes de son gouvernement, sur les personnes qu’on a mises en place dans ces postes. Ce qui ne crée pas de problème particulier aujourd’hui pourra le faire demain. Prenez l’exemple de la crise financière actuelle : les postes à pourvoir à la Securities and Exchange Commission (Commission des valeurs mobilières des États-Unis) et à la Federal Deposit Insurance Corporation (organisme fédéral d’assurance de dépôts bancaires) n’étaient pas particulièrement mis en vedette il y a cinq ou six ans, mais lors des derniers mois de l’année 2008 les emplois dans ces organismes et les personnes qui les occupent ont pris une importance considérable.

Question - Certains présidents, en particulier ceux qui étaient gouverneur avant d’accéder à la présidence, ont tendance à choisir des personnes qui viennent du même État qu’eux. Ils ont travaillé avec certaines personnes dans la capitale de leur État et ils font venir un bon nombre d’entre elles à Washington. Est-ce qu’ils agissent ainsi parce que ces personnes sont incontestablement les meilleurs candidats possibles ou parce qu’ils ont déjà travaillé ensemble ?

M. Holliday - S’ils ont bien réussi en tant que gouverneur, ils considèrent que l’équipe dont ils s’étaient entourés y a contribué et ils se sentent à l’aise avec leurs anciens collaborateurs. Une fois encore, il faut rappeler que quelqu’un capable de bien réussir à un certain niveau n’obtiendra pas nécessairement les mêmes résultats à un autre niveau. Il n’y a pas de règle fixe. On a connu des gens qui faisaient un travail impeccable quand ils étaient maire, chef des pompiers ou conseiller municipal et qui ont ensuite servi leur pays avec la plus grande distinction à Washington. Il y en a eu d’autres qui sont tombés de haut lorsqu’ils se sont rendu compte que la pression des budgets énormes, des mesures de surveillance et des relations avec le Congrès dépassait tout ce qu’ils avaient connu jusqu’alors.

Question - Après une élection âprement disputée, de vilaines rancunes politiques pourraient subsister. Que doivent faire le gouvernement sortant et celui qui va lui succéder pour mettre ces sentiments de côté et garantir une transition souple ?

M. Holliday - Pendant toute période de transition, il y a quelques dossiers critiques qui doivent passer d’un gouvernement au suivant. Indépendamment du parti et de la politique politicienne, il est important que l’équipe sortante et la nouvelle sachent collaborer. Il est également important que le gouvernement sortant finisse sur une bonne note et qu’il remette à la nouvelle équipe un groupe clair de dossiers sur les questions d’actualité brûlante. Il s’agit là d’une obligation, d’une obligation patriotique. De son côté, la nouvelle équipe a le devoir de ne pas sombrer dans une arrogance qui la conduirait à refuser d’écouter ce que le gouvernement sortant lui dit.

À cet égard, il est très important que tout le monde œuvre de concert en vue d’assurer une transition sans faux plis en ce qui concerne non seulement le personnel, mais aussi les dossiers en cours.

Les opinions exprimées dans le présent article ne représentent pas nécessairement les vues ou la politique du gouvernement des États-Unis.

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