La vaste mosaïque d'un peuple en mouvement

04 mars 2008

Les immigrés travaillent pour un avenir meilleur

Bien des choses ont changé en un siècle mais les aspirations restent les mêmes.

 
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La grand-mère de Judi Hasson
La grand-mère de Judi Hasson, une émigrée de Turquie. (Avec l'aimable autorisation de Judi Hasson)

Washington - Ma grand-tante est venue aux États-Unis au début du siècle dernier. Elle parlait une demi-douzaine de langues parce qu'elle était originaire d'Istanbul, en Turquie, là où l'Orient et l'Occident se rencontrent.

Elle a trouvé un travail comme traductrice chez Macy's à New York ; debout derrière un comptoir, elle aidait les immigrés qui ne parlaient pas l'anglais à faire leurs achats. Elle a fini par économiser suffisamment d'argent pour faire venir ses parents et ses cinq frères et sœurs. La plus jeune était ma grand-mère Freda.

Presque une centaine d'années plus tard, la même situation se répète dans le secteur des services, en banlieue washingtonienne. Cette fois-ci, ce sont les clients qui parlent anglais et les employés qui, en grand nombre, ne le parlent pas. Cette communauté multiculturelle n'est nulle part aussi visible qu'au rayon « chaussures » de Nordstrom, un grand magasin situé dans le quartier de Tysons Corner.

Les vendeurs sont originaires de Corée, de Chine, d'Amérique du Sud, d'Afrique - ils sont tous bien habillés et servent des clients qui déboursent sans sourciller 200 dollars pour acheter une paire de chaussures, somme supérieure au salaire annuel que ces vendeurs gagneraient s'ils travaillaient dans leur pays d'origine.

Aux États-Unis, le recensement nous enseigne que notre société est de plus en plus diverse. Partout à Washington, il n'est pas rare de trouver des employés, dans le commerce ou dans des stations d'essence, qui ont du mal à parler l'anglais.

Je pense à mes grands-parents. Ils sont tous quatre traversé l'Atlanique lorsqu'ils étaient jeunes ; ils ne parlaient pas l'anglais, n'avaient pas de métier et aucun filet de sécurité.

Une de mes grand-mères n'est jamais allée à l'école et elle a toujours eu honte de ne savoir ni lire ni écrire. Un des mes grands-pères qui vendait des objets de pacotille boitait parce qu'il a préféré s'infliger une blessure plutôt que de servir dans l'armée du tsar. Aucun d'entre eux ne s'est vraiment intégré mais ils ont transmis leurs rêves à la génération suivante.

Ma grand-mère Freda a quitté l'école à la fin du primaire mais ses deux enfants sont allés à l'université. Ma tante est devenue enseignante, mon père journaliste. Ses cinq petits-enfants ont aussi fait des études supérieures. Aujourd'hui ils sont travailleur social, kinésithérapeute, infirmière de salle d'urgence, et deux sont journalistes (ma sœur et moi).

Lorsque Freda est décédée, à l'âge de 82 ans, des centaines de personnes sont venues à son enterrement pour lui rendre un dernier hommage.

Je dis à mes enfants que ceux qui sont venus s'installer aux États-Unis méritent qu'on les respecte et qu'on les aide, dans toute la mesure du possible. Ce seront les contribuables de la génération suivante (enseignants, médecins, avocats) et ce sont aussi nos voisins.

Les connaissances linguistiques qui ont contribué à la survie de ma grand-tante Anna ne m'ont pas été transmises. Je ne connais que quelques mots de français, d'espagnol, de grec et d'italien.

Mais je reste pleine d'admiration pour ceux qui travaillent derrière des comptoirs, les pieds probablement endoloris après tant d'heures debout. Leur anglais n'est peut-être pas parfait mais ils travaillent pour des jours meilleurs, avec autant d'acharnement que mes grands-parents en leur temps.

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