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08 janvier 2009

Des scientifiques fabriquent des cellules souches à partir de tissus adultes

C'est une percée prometteuse pour le traitement de nombreuses maladies génétiques.

 
Kevin Eggan
Kevin Eggan et son équipe ont créé des cellules souches pluripotentes à partir de cellules d'une femme de 82 ans atteinte de SLA.

Washington - Réalisant un véritable tour de magie moléculaire, des scientifiques ont prélevé des cellules de peau sur des adultes atteints de diverses maladies génétiques et les ont transformées en cellules souches qui pourront servir à tester d'éventuels traitements ou à remplacer des cellules endommagées chez les malades.

Dans son numéro du 19 décembre, le magazine Science, l'un des plus influents dans le domaine scientifique, a classé cet accomplissement en tête d'une liste de 10 percées scientifiques de l'année 2008.

« Lorsque nos rédacteurs ont choisi les progrès scientifiques majeurs de l'année, ils ont recherché les études qui tentaient de répondre à des questions fondamentales sur le fonctionnement de l'univers et qui ouvraient la voie à de futures découvertes », a affirmé le responsable adjoint de l'information du magazine Science, M. Robert Coontz, dans un communiqué publié le 18 décembre dernier. « Notre premier choix, la reprogrammation cellulaire, créait presque instantanément un nouveau domaine biologique et permettait d'entrevoir d'importants progrès dans le domaine médical. »

Avant la mise au point de méthodes de reprogrammation des cellules, les scientifiques devaient en effet créer leurs cellules souches à partir d'embryons humains, ce qui n'allait pas sans controverse sur le plan éthique. Plusieurs pays, dont les États-Unis, ont d'ailleurs imposé des limites à cette technique, retardant ainsi la recherche dans ce domaine.

Normalement, une cellule mûre conserve son identité pour la vie : une cellule de la peau ne se transforme pas en cellule cérébrale, et les cellules musculaires ne deviennent pas des cellules hépatiques, par exemple. En 2006, des chercheurs ont activé quatre gènes contenus dans les cellules de la queue d'une souris et ont constaté que les cellules avaient été « reprogrammées » en cellules souches, à savoir des cellules indifférenciées qui ont la possibilité de se transformer en tout un éventail de divers types de cellules.

En laboratoire, les cellules souches peuvent être cultivées dans divers milieux chimiques qui les incitent à se différencier en divers types de cellules, notamment celles que l'on trouve dans le foie, les muscles et le cerveau.

La percée réalisée cette année en matière de reprogrammation cellulaire permet aux chercheurs de créer de nouvelles souches cellulaires pour les gens atteints de maladies génétiques.

« Les lignes de cellules souches embryonnaires sont génériques et ne permettent de répondre qu'à des questions fondamentales », a déclaré George Daley, maître de recherche à l'hôpital pour enfants de Boston, lors d'une conférence de presse donnée en août dernier. « Mais ces nouvelles lignes de cellules sont des outils précieux pour attaquer les maladies à la racine. Nos travaux d'étude de milliers de maladies ne font que commencer. »

Cellules souches pluripotentes

La percée réalisée en 2008 a commencé en 2006, lorsque Kazutoshi Takahashi et Shinya Yamanaka, de l'université de Kyoto (Japon) ont identifié quatre gènes qui, lorsqu'on les ajoutait à des cellules de souris adulte, pouvaient les reprogrammer de façon à créer des cellules souches pluripotentes induites - induites parce que leur création n'a pas été spontanée, et pluripotentes parce qu'elles peuvent se transformer en presque tous les types de cellules trouvées dans l'embryon, le foetus ou l'organisme adulte.

Shinya Yamanaka
Shinya Yamanaka, de l'université de Kyoto, a identifié quatre gènes qui peuvent créer des cellules souches pluripotentes induites.

En 2007, les chercheurs ont réussi à créer des cellules souches pluripotentes induites à partir de tissus adultes lorsqu'ils ont découvert que les mêmes quatre gènes qui avaient reprogrammé les cellules de souris pouvaient aussi reprogrammer des cellules humaines.

Ils ont poussé la technique encore plus loin en reprogrammant des cellules adultes prélevées sur des individus atteints de diverses maladies, créant des lignes de cellules souches d'individus atteints de pathologies dégénératives telles que la maladie de Parkinson, la chorée de Huntington, deux types de dystrophies musculaires, le diabète et le syndrome de Down.

Les scientifiques cultivent ces cellules de façon qu'elles se transforment en types de cellules les plus affectés par certaines maladies. Kevin Eggan et ses collègues de l'université Harvard ont créé des cellules souches pluripotentes à partir de cellules d'une femme de 82 ans atteinte de sclérose latérale amyotrophique (SLA, ou maladie de Charcot). Ces cellules ont ensuite été cultivées en boîte de Petri et manipulées de façon à produire des neurones moteurs, qui sont les cellules atteintes par la maladie de Charcot.

La culture de cellules humaines est « un complément essentiel » des modèles animaux d'étude des maladies, a écrit M. Daley dans le numéro du 5 septembre de la revue Cell. Les souris, couramment utilisées en laboratoire, ne présentent pas toujours une copie exacte des maladies humaines. Il n'existe par exemple chez la souris aucun modèle de syndrome de Down qui manifeste tous les symptômes de la maladie chez l'homme. Les lignes de cellules humaines permettent donc de réaliser des études dans des conditions maîtrisées et apporteront « sans aucun doute de nouveaux éclaircissements sur certaines maladies ».

S'il existe de nombreuses « similarités fonctionnelles » entre les cellules souches prélevées sur des embryons humains et celles qui proviennent de tissus adultes, les scientifiques ne sont pas encore en mesure de savoir si ces deux types de cellules souches sont identiques, a déclaré M. Daley lors d'une conférence de presse tenue en août dernier. Il faut selon lui poursuivre les recherches sur ces deux types de cellules de façon à pouvoir utiliser la thérapie cellulaire le plus rapidement possible.

Un second type de reprogrammation

Douglas Melton et ses collègues de Harvard ont découvert un second type de reprogrammation cellulaire dans laquelle un type de cellule de souris adulte se transforme directement en un autre type de cellule, sans passer par l'étape de la cellule souche. Cette récente découverte pourrait remettre en question l'adage selon lequel une fois qu'une cellule parvient à maturité, sa destinée est tracée.

M. Melton et ses collègues ont utilisé un virus pour activer trois gènes du pancréas d'une souris et ont constaté que certaines cellules qui ne produisent pas normalement d'insuline se transformaient de façon à en fabriquer. Si l'on parvient à surmonter les effets toxiques de la thérapie génique virale, les travaux de M. Melton pourraient servir à traiter certains types de diabète, dans lesquels les cellules du pancréas qui produisent de l'insuline meurent et ne sont pas remplacées.

Mais malgré ces récentes percées, les scientifiques ont encore une compréhension limitée de la façon dont la reprogrammation cellulaire fonctionne.

« Quels sont les facteurs qui limitent actuellement la reprogrammation cellulaire, et comment peut-on les surmonter de façon à amener de nombreuses cellules, et pas seulement une infime minorité, à se reprogrammer ? », a écrit Bruce Alberts, rédacteur en chef du magazine Science, dans un éditorial publié le 19 décembre.

Afin de faciliter le partage d'éléments susceptibles d'aider les chercheurs à répondre à certaines de ces questions, le Stem Cell Institute de Harvard a créé en juillet dernier un établissement central où seront entreposées et d'où seront distribuées des lignes de cellules souches spécifiques à divers patients.

« Cet établissement servira également de laboratoire technique pour produire ces lignes de cellules spécifiques à certaines maladies. Les chercheurs du monde entier pourront les utiliser », a dit M. Melton en août dernier. « Nous avons de bonnes raisons de croire que cela débouchera sur la découverte de nouveaux traitements, puis de médicaments, qui ralentiront, voire stopperont, l'évolution de nombreuses maladies. »

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