La vaste mosaïque d'un peuple en mouvement

24 novembre 2008

La violence au foyer est un problème universel

Les États-Unis et leurs partenaires s'y attaquent de concert.

 
Manifestation à Bombay (Inde)
Une femme allume une chandelle dans le cadre d'une manifestation en faveur de la lutte contre la violence domestique.

Washington - Pédiatre de profession, Aissata Cissé compte en fait beaucoup de femmes parmi ses clients. Exerçant d'abord au Niger, puis au Sénégal, elle a soigné des femmes qui avaient été maltraitées par leur époux ou par leur companion. Ces femmes venaient pour faire soigner leurs enfants, mais le docteur Cissé savait bien qu'elle devait s'occuper d'abord des mères.

Ayant compris qu'elle devait assurer plusieurs sortes de services à ces femmes, elle a organisé un groupe de spécialistes capables de les aider sur le plan non seulement médical, mais également juridique et psychique. « J'écoute ces femmes, je leur donne des conseils. C'est mon métier. »

Elle sait également que dans la plupart des cas, la femme est la victime d'un homme dont le père avait lui-même maltraité sa compagne. « C'est un cycle qui va durer », dit-elle, puisque les enfants des femmes qui la consultent sont, eux aussi, tôt ou tard entraînés dans ce genre de problème.

Lors de ses propos tenus en février 2008 devant la Commission de la condition de la femme des Nations unies, le secrétaire général de l'ONU, M. Ban Ki-moon, a déclaré qu'au moins une femme sur trois dans le monde risquait de tomber victime de mauvais traitements, de viol ou d'autres abus.

« La violence contre les femmes est un sujet qui ne peut attendre, a-t-il dit. Aucun pays, aucune culture, aucune femme, jeune ou âgée, n'est à l'abri de ce fléau. »

Le docteur Cissé, qui est arrivée récemment aux États-Unis dans le cadre de ses études de santé publique, pense que la violence conjugale a pour cause des difficultés économiques et culturelles, par exemple la tendance aux familles moins nombreuses.

De fait, une analyse publiée par l'ONU en mai 2008 fait état d'une évolution mondiale allant dans le sens du rapetissement de la famille, de la famille élargie à la famille nucléaire. Le docteur Cissé en conclut que, de plus en plus, les femmes n'ont personne vers qui se tourner et qu'il n'y a plus personne pour dénoncer les auteurs d'abus.

Selon un rapport de 2006 des Nations unies intitulé « Étude approfondie de toutes les formes de violence à l'égard des femmes », de tels obstacles culturels abondent : la violence masculine est générée par des attitudes socio-culturelles et par une culture de la violence qui existent partout dans le monde ; elle est notamment « l'un des principaux moyens par lequel les hommes contrôlent la liberté et la sexualité les femmes. »

La lutte internationale contre les abus au foyer

Manifestation à Santiago (Chili)
Des femmes à Santiago (Chili) tiennent des bougies qui représentent des victimes de la violence domestique.

De nombreuses organisations gouvernementales et non gouvernementales de par le monde s'efforcent de mettre fin à la violence conjugale, indique le rapport de l'ONU. L'aide des États-Unis à l'étranger prend la forme de dons octroyés par le ministère de la justice, par l'Agence des États-Unis pour le développement international et par le département d'État, entre autres organismes.

Une des questions prioritaires est la formation du personnel des services de police et des tribunaux pour qu'il prenne conscience de ce problème et qu'il le traite comme il convient. La formation permet aussi d'abattre les barrières d'ordre social, selon des juges et des avocats qui ont collaboré directement avec des policiers, des magistrats et des parlementaires de pays étrangers.

Une ancienne juge de St. Louis (Missouri), Mme Susan Block, s'est rendue en Lituanie, entre autres, pour donner une formation dans ce domaine à des juges et pour les aider à rendre des ordonnances en matière de protection civile qui soient applicables. Elle a aussi aidé des procureurs à trouver les moyens de poursuivre l'auteur des sévices sans que la victime ait à témoigner, car certaines victimes sont réticentes à porter témoignage contre celui-ci.

Mme Block a donné à des policiers des idées pour des faits, tels que des paroles émises dans un état d'excitation, dont ils pourraient se servir comme éléments de preuve même si la victime n'était pas présente au tribunal. « Si une femme a appelé un numéro d'urgence ou qu'elle a fait des déclarations dans un état d'excitation à la police, le policier pourrait utiliser ce fait à titre de preuve. »

Elle a trouvé que les policiers jeunes étaient plus réceptifs à ses recommandations. « Ils disaient qu'ils avaient choisi le métier de policier pour venir en aide à autrui, et ils étaient très désireux de faire quelque chose à ce sujet. »

Pour sa part, une procuratrice de New York, Mme Wanda Lucibello, a accueilli de nombreuses délégations étrangères et s'est rendue dans de nombreux pays tels que la Grenade, le Bélize, l'Afrique du Sud et le Zimbabwé pour y donner une formation.

Du fait qu'elle collabore avec l'un des quelques centres de la justice familiale financés par le ministère de la justice dans divers coins du pays, elle présente souvent aux autres pays le modèle du centre de la justice, qui réunit de nombreux services en un seul lieu.

Dans certains pays, a-t-elle dit, l'inégalité entre les femmes et les hommes est si forte que c'est un obstacle supplémentaire à surmonter. En outre, certaines des personnes qui suivent sa formation ont souvent connu la violence au foyer dans leur propre famille ou reconnaissent certaines de ses caractéristiques dans leur propre personnalité.

Dans la plupart des cas, elle s'occupe de former des policiers et des procureurs pour qu'ils prennent au sérieux la violence au foyer, mais trouve souvent que ceux-ci font plus montre de détresse que de résistance. « Ils ont les mêmes sentiments de frustration et les mêmes préoccupations que les policiers américains », notamment au sujet du fait que la victime ne tient pas à porter plainte contre l'auteur des sévices.

Elle offre aussi des idées pour arriver à poursuivre l'auteur des sévices. « Je le compare au rassemblement d'éléments de preuve lors d'une arrestation pour meurtre, à l'exception près qu'il n'y a pas de décès. »

De son côté, une juge du comté de La Crosse (Wisconsin), Mme Ramona Gonzales, a enseigné un cours de base sur la violence au foyer à Guam et dans divers pays. « Nous disons aux policiers et aux magistrats de faire preuve de délicatesse et de poser certaines questions, notamment est-ce que la victime est isolée de sa famille et de ses amis ? »

Elle souligne que la violence au foyer ne se limite pas à de mauvais traitements corporels. « Il s'agit de pouvoir et de contrôle. » Il convient d'éviter que ce comportement donne lieu à un meurtre ou à un suicide ou les deux à la fois.

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