Économie et commerce | La croissance par l'ouverture des marchés

02 octobre 2008

Comment Washington peut prévenir une autre crise financière

Les diverses mesures envisagées

 
L'industrie du crédit ser plus strictement contrôlé
Certains estiment que de nouvelles lois interdiront la pratique de "cacher" des frais supplentaires aux sociétés de cartes de crédit.

Washington - Quels que soient les effets de l'immense plan de sauvetage du secteur financier prévu par le gouvernement Bush, il est fort probable qu'une nouvelle réglementation de ce secteur lui fera suite, estiment de nombreux observateurs.

Lors de l'entretien qu'il a accordé le 28 septembre à un journaliste de l'émission télévisée 60 Minutes, le ministre des finances, M. Henry Paulson, a déclaré : « Nous n'avons pas à l'heure actuelle les organes et la structure de réglementation nécessaires pour protéger les Américains. »

La nouvelle réglementation devrait porter sur le « marché primaire » (crédit immobilier, cartes de crédit et autres produits financiers destinés aux particuliers) et sur le « marché secondaire » où les banques et les autres établissements financiers placent les fonds obtenus des transactions effectuées sur le marché primaire.

La crise financière actuelle, qui est la plus grave depuis la dépression des années 1930, a déjà entraîné l'effondrement de plusieurs grandes banques et d'autres établissements financiers. Elle est due en grande partie au fait relativement récent d'accorder à un nombre croissant d'acquéreurs d'une maison ou d'un appartement des prêts trop importants par rapport à leurs moyens financiers.

Cette réglementation devrait mettre un frein à certaines pratiques, notamment le fait d'accorder un prêt assorti, pendant les deux premières années, d'un faible taux d'intérêt qui peut augmenter les années suivantes à un rythme rapide. Ces prêts peuvent aussi comprendre une disposition interdisant leur remboursement anticipé, de sorte que les emprunteurs risquent de devoir continuer de payer des mensualités à un taux d'intérêt supérieur à celui du marché.

Selon les observateurs, les emprunteurs qui ont contracté des prêts assortis d'un faible taux d'intérêt pendant une courte période n'ont souvent pas compris ce à quoi ils s'engageaient. Du fait de la hausse continue des prix de l'immobilier jusqu'à 2006, les emprunteurs étaient souvent persuadés qu'ils pourraient vendre leur logement en faisant un bénéfice. Toutefois, lorsque les prix de l'immobilier ont chuté, un grand nombre d'entre eux se sont retrouvés avec une maison ou un appartement dont la valeur était moindre que celle estimée pour leur crédit hypothécaire.

Parfois, les emprunteurs ne devaient soumettre que peu de documents, voire aucun, indiquant qu'ils avaient les moyens de payer les mensualités de l'emprunt qu'ils contractaient. « C'était là une invitation pour les prêteurs à accorder un prêt sans se soucier des conséquences parce qu'ils pensaient céder ensuite leurs créances à un tiers », a déclaré un économiste de l'Institut Brookings, M. Barry Bosworth.

Ces pratiques sont devenues possibles à la suite des changements du marché immobilier il y a une dizaine d'années, qui permettaient aux personnes dont la cote de crédit était faible ou modérée d'accéder à la propriété immobilière.

IndyMac Bancorp
La banque IndyMac a été saisie en juillet suite à de nombreux problèmes liés à la crise hypothécaire.

Un autre changement important du crédit immobilier a aussi contribué à la crise actuelle. Auparavant, les prêts hypothécaires étaient accordés par des banques locales auxquelles l'emprunteur versait ses mensualités jusqu'à la fin du remboursement. Ces dernières années, un nombre de plus en plus grand de prêts ont fait l'objet d'une titrisation : leurs créances ont été vendues à d'autres établissements financiers, puis négociées comme moyens de placement.

« Les banques avaient intérêt à veiller à ce que les emprunteurs puissent rembourser leur emprunt. Avec la titrisation, elles s'en sont désintéressées », a déclaré Mme Barbara Roper, de la Fédération des consommateurs des États-Unis.

Pour sa part, M. Mark Tenhundfeld, de l'Association des banquiers des États-Unis, s'attend à ce que le Congrès adopte des lois visant à protéger les emprunteurs contre les prêts abusifs. En outre, une loi pourrait exiger que les établissements de crédit immobilier obtiennent un permis de l'État fédéral. Toutefois, l'application de cette loi serait probablement laissée aux États fédérés.

En septembre 2008, la Chambre des représentants a adopté la première loi contre les pratiques abusives des sociétés émettrices de cartes de crédit, notamment contre le prélèvement de taux d'intérêt occultes ou injustifiés, qui ont obligé certains Américains à cesser de verser leurs mensualités de crédit immobilier, a indiqué la Fédération des consommateurs des États-Unis. Le Sénat devrait également procéder à l'examen de ce texte de loi.

M. Mark Perlow, du cabinet d'avocats K&L Gates LLP, estime que l'État fédéral va exiger que les banques et les établissements financiers gardent un intérêt financier dans tous les prêts hypothécaires, les cartes de crédit et les autres produits semblables qu'elles vendent à leur clientèle.

Un facteur qui a tant contribué au non-paiement des mensualités du crédit immobilier est la croissance des dérivés de crédit dont le « credit-default swap ». Ces instruments financiers ressemblent à une police d'assurance que le détenteur d'un ensemble de prêts hypothécaires souscrit auprès d'un autre établissement financier pour se protéger en cas de défaillance des emprunteurs. Le problème est que les risques de ces instruments sont souvent mal compris et que ces instruments sont répartis entre de nombreux établissements financiers.

Le marché des « credit-default swaps » et des autres dérivés est devenu immense et lucratif ces dernières années, mais il ne fait l'objet d'aucune réglementation. Selon les observateurs, il est probable que le Congrès et des organismes publics vont le réglementer afin de le rendre plus transparent.

Il est possible que la future réglementation exige l'établissement de réserves. Par exemple, les banques de dépôt ont généralement l'obligation de garder 1 dollar en liquide pour tous les 10 dollars qu'elles doivent aux titulaires de comptes ou qu'elles prêtent. (En revanche, les banques d'affaires n'ont pas une telle obligation et gardent seulement 1 dollar pour tous les 30 dollars ou plus qu'elles empruntent pour investir. Elles ont gagné énormément d'argent, mais lorsque leurs investissements se révèlent mauvais, elles ont peu de réserves pour couvrir leurs pertes.)

M. Perlow s'attend à ce que le Congrès modifie la loi de 2000 sur les contrats à terme de marchandises, qui exonère les dérivés de toute réglementation, mais il craint que cette mesure se heurte à une vive opposition.

Quant à M. Bosworth, il a indiqué que les responsables souhaitaient élaborer des règles permettant de prévenir une autre crise de ce genre, sans imposer une réglementation excessive au secteur financier. « Il est difficile de parvenir à un équilibre, a-t-il dit. Il ne faut pas empêcher l'innovation qui nous a apporté de nombreux avantages. »

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