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Volume 4, Numéro 1Article Janvier-Mars 1998 La peste, une maladie ré-émergente à MadagascarSuzanne Chanteau,* Lala Ratsifasoamanana,† Bruno Rasoamanana,*† Lila
Rahalison,* Jean Randriambelosoa,† Jean Roux,* and Dieudonné Rabeson† Des cas de peste chez l’homme, qui avait pratiquement disparue à Madagascar depuis les années 1930, sont ré-apparus en 1990 avec plus de 200 cas confirmés ou présumés rapportés chaque année depuis cette date. La peste a été réintroduite, et des épidémies surviennent chaque année dans le port de Mahajanga. Dans la capitale, Antananarivo, le nombre de cas a augmenté, et de nombreux rongeurs sont infectés avec Yersinia pestis. En dépit de la surveillance de la sensibilité de Y. pestis et des puces aux médicaments et insecticides, et des mesures de contrôle pour prévenir la propagation de cas sporadiques, l’élimination de la peste a été difficile car l’hôte et réservoir du bacille, Rattus rattus, est un rat domestique et sauvage. Au
cours des 15 dernières années, Madagascar (13 millions d’habitants) a
enregistré 45 % des cas de peste en Afrique (1). Epidémiologie
La peste a été introduite sur l’île de Madagascar en 1898 par les navires à vapeur en provenance de l’Inde. Depuis elle n’a jamais été éradiquée. A la suite de campagnes de vaccination, de l’amélioration de l’habitat et des conditions d’hygiène publique, de la découverte de la streptomycine et des insecticides, la peste a été contrôlée dans les années 1950. Au cours des 30 années suivantes, seulement 20 à 50 cas annuels ont été rapportés pour tout le pays. Depuis 1990, le nombre de cas suspects déclarés a augmenté de façon constante (Figure 1): sur les 800 à 1 500 malades suspects notifiés chaque année, 150 à 230 cas sont présumés pesteux (frottis positif à la microscopie) ou confirmés (Y. pestis isolé (2,3). La population des hauts plateaux exposée à la peste est d’environ 5 millions ; le taux d’incidence annuel moyen (à l’exception de Mahajanga) est de 3 à 4 pour 100 000 habitants. Le taux de létalité annuel moyen rapporté sur les cas confirmés ou probables est de 20%. La peste bubonique est la principale forme clinique rencontrée (environ 95 % des cas). Figure 1. Human plague, Madagascar, 19821996. A l’exception du port de Mahajanga sur la côte ouest, la peste est endémique sur les plateaux situés à plus de 800 mètres d’altitude, formant un triangle central très actif et un losange d’activité mineure au nord de l’île (Figure 2). Les principaux foyers par ordre d’importance sont le port de Mahajanga, le district d’Ambositra, la ville d’Antananarivo et les districts de Fianarantsoa II, Miarinarivo, Betafo, et Soavinandriana. La saison pesteuse humaine s’étend de septembre à avril sur les hautes terres, et de juillet à novembre à Mahajanga. Figure 2. Plague foci in Madagascar. The plague-endemic zones are in the gray areas and in the port of Mahajanga. En
1996, sur les 1 644 cas suspects rapportés 1 316 avaient été prélevés
pour des analyses bactériologiques. Parmi ceux là, 173 cas confirmés et
56 cas probables ont été officiellement déclarés à l’OMS. De Janvier à
Octobre 1997, déjà 2 127 cas suspects ont été rapportés (soit plus de
2 500 cas attendus pour l’année) dont 260 cas confirmés et 33 probables.
Le nombre de cas de peste confirmés ou probables est probablement sous-estimé,
en raison de la sous déclaration des malades dans les zones éloignées
et du manque de sensibilité des techniques bactériologiques utilisées
pour le diagnostic. Les résultats préliminaires obtenus avec des tests
immunodiagnostiques, tels que la détection des anticorps anti-F1 (4)
et de l’antigène F1 (tests fournis par le Naval Medical Research Institute,
Bethesda, MD), donne une estimation du nombre de malades compris entre
deux et trois fois celui obtenus par les méthodes classiques (S. Chanteau
et J. Burans, unpub. data). Il est impossible de savoir si l’augmentation
significative des cas entre 1996 et 1997 est due à une amélioration du
système de surveillance (meilleure déclaration suite aux campagnes d’éducation
sanitaire), ou à une réelle augmentation de
l’incidence de la maladie. A
Madagascar, le réservoir de Y. pestis
est constitué par deux espèces de rats, Rattus
rattus (réservoir principal) et
R norvegicus (réservoir secondaire). L’existence d’un réservoir sauvage
possible reste à démontrer. R.
norvegicus, rat commensal vivant
en milieu urbain et introduit à Madagascar au début du 20ème
siècle, ne se rencontre actuellement que dans les villes côtières et à
Antananarivo où il est largement majoritaire par rapport à R.
rattus. En revanche, R. rattus,
probablement importé à Madagascar au cours des premières migrations humaines,
s’est bien adapté et a envahi tous les écosystèmes de l’île, devenant
ainsi un rongeur domestique et sauvage à la fois. Généralement c’est l’unique
espèce de rongeur rencontrée dans les petites villes, les villages, les
champs de riz et les prairies. Ainsi contrairement aux observations faites
dans d’autres pays où les espèces impliquées dans les épizooties sont
différentes des espèces réservoirs de Y.
pestis , à Madagascar les réservoirs sont les mêmes espèces ayant
survécu à l’infection. Par conséquent, il est quasiment impossible d’éradiquer
la peste de l’île. Les
vecteurs de la peste à Madagascar sont deux espèces de puces de rats :
Xenopsylla cheopis étant la
puce universelle asiatique très efficace et la puce endémique Synopsyllus fonquernieri (2). Elles sont toutes
deux présentes chez R. rattus,
bien que X. cheopis ne parasite
que les rongeurs vivant en milieu urbain ou à l’intérieur des maisons,
alors que S. fonquernieri est
retrouvé sur les rongeurs en milieu extérieur et rural (S. Laventure et
J. M. Duplantier, unpub. data). Les recherches
en cours visent à étudier les relations entre les deux espèces
de rats et les deux espèces de puces dans le cycle épidémiologique de
la peste à Madagascar. La
ré-émergence de la peste à Madagascar est probablement le reflet de l’effondrement
général du système classique de lutte contre la peste. Le maintien prolongé
de Y. pestis dans un cycle de
transmission rat domestique - puce, constitue une occasion de sélection
possible de caractères nouveaux capable de rendre le bacille plus virulent
(pandémies historiques de peste). En réalité, trois nouveaux variants
de Y. pestis ont récemment émergé
à Madagascar dans les régions de Ambositra et Ambohimahasoa, foyers de
peste parmi les plus actifs. Ces nouveaux ribotypes ont tendance à se
propager dans de nouvelles zones géographiques sans que nous sachions
pour l’instant s’ils ont
acquis ou non des avantages sélectifs (5).
En outre, il y a des grands risques possibles d’échange de matériel génétique
avec d’autres entérobactéries. Il est possible que l’émergence à Madagascar
de la première souche de Y. pestis
naturellement multirésistante aux antibiotiques soit un signe important
(6,7). La peste à Mahajanga
Après
deux épidémies au début du 20ème siècle à Mahajanga (150 000
habitants), la peste est restée parfaitement contrôlée entre 1928 et 1990
(2). En juillet 1991, la maladie a brutalement refait
surface dans les quartiers bidonvilles près
du marché au gros de Marolaka, totalisant 170 cas suspects dont
41 cas confirmés ou probables. Après trois années au cours desquelles
aucun cas n’a été notifié, trois épidémies se sont succédées en juillet
1995 (8,9), juillet 1996 et juillet
1997. Les deux épidémies de 1995 et 1996 ont totalisé 1 058 cas suspects
dont seulement 109 cas ont pu être confirmés et 30 cas avaient une microscopie
positive. Cependant l’application d’un test sérodiagnostique (ELISA anticorps anti-F1) (4), a permis de poser
le diagnostic de peste pour 93 cas supplémentaires (10).
Le taux d’incidence moyen annuel a été de 77 pour 100 000 habitants. Quand
à l’épidémie en cours (juillet à octobre 1997) 376 cas suspects dont 120
confirmés ont été déclarés. La peste a tendance à se propager dans d’autres
quartiers de la ville. Les
épidémies ont toujours été précédées d’une importante épizootie. Pendant
et après chaque épidémie, toutes les musaraignes piégées à Mahajanga étaient
porteuses de nombreuses puces X.
cheopis. Des recherches sont actuellement en cours pour déterminer
le rôle de la musaraigne Suncus
murinus dans le maintien de la peste. La peste à Antananaviro
Depuis que la peste a été introduite dans les hautes terres centrales en 1921, elle a constamment circulé dans les petits villages isolés. Cependant dans la capitale Antananarivo, elle avait été bien contrôlée puisqu’ aucun cas n’avait plus été rapporté entre 1953 et 1978. Pourtant en 1979, le premier cas confirmé ré-émergeait dans un ancien quartier reconnu de la ville (11). Dans les années 1990, un nombre croissant de cas suspects sont rapportés dont chaque année 10 à 25 malades sont des cas confirmés ou probables (Figure 3). En 1996, la peste bubonique a été confirmée dans 17 quartiers de la capitale. Le taux d’incidence annuel moyen a été de 1,4 pour 100 000 habitants en 1995 et 1996. Figure 3. Human plague, Antananarivo, 19761996. En
1995, sur les 625 rats piégés
près de la place du marché 10% d’entre eux étaient porteurs de Y. pestis et 80 % séropositifs en anti-F1 (S. Chanteau, J. A. Drominy
et B. Rasoamanana, unpub data). L’index pulicidien mensuel (le nombre
moyen de X. cheopis par rat)
dans ce quartier était supérieur à 4 pendant toute l’année. Un index aussi
élevé représente une grave menace, d’autant que la plupart de ces puces
sont résistantes à la deltaméthrine (12). Elles sont
fort heureusement sensibles à d’autres familles d’insecticides comme les
carbamates. Depuis 1996, le Gouvernement malgache et le Ministère de la
Santé ont fait de sérieux efforts afin d’éduquer la population et le corps
soignant, tout en essayant d’améliorer l’hygiène publique. Une
étude sérologique sur des rats piégés en 1997 dans huit autres quartiers
de la capitale a abouti à une séroprévalence de 14 % , alors qu’elle n’était
que de 4,5 % en 1965 (2) .La circulation de Y.
pestis parmi les rongeurs de la capitale est donc significativement
plus importante aujourd’hui. Programme national de lutte contre la peste
Le
programme national de lutte contre la peste reçoit une aide financière
de la Banque Mondiale et du Ministère Français de la Coopération. Le système
de surveillance épidémiologique est basé sur la notification immédiate
et obligatoire de tout cas suspect de peste et sa confirmation biologique
par le Laboratoire Central de la Peste. Tout cas suspect est traité par
la streptomycine, et les sujets contacts par des sulfamides pour arrêter
la transmission. Les insecticides sont utilisés pour la lutte anti-vectorielle
contre les puces dont la sensibilité aux insecticides est surveillée.
La surveillance de la sensibilité de toutes les souches de Y. pestis isolées de malade, de rats ou de puces est systématique.
L’apparition de la première souche multirésistante en 1995 (6,7)
et la résistance croissante des puces aux insecticides posent de sérieuses
inquiétudes. Le
programme national de lutte contre la peste, mis en place à Madagascar
depuis plusieurs décennies et contrecarré ces derniers temps par des difficultés
économiques et opérationnelles, a besoin d’être renforcé de façon urgente.
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This page posted December
7, 2001 |
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