Du règlement des litiges dans les tribunaux fédéraux américains
Le règlement des litiges est une méthode de plus en plus utilisée aux États-Unis pour obtenir un règlement amiable, effectif et rapide, d'un procès civil. Dans cet article, Peter Steenland, conseiller principal au Bureau du règlement des litiges du ministère américain de la justice, apporte des éclaircissements sur cette autre façon de trancher les litiges et indique comment procède son ministère dans les affaires où l'on a recourt à cette méthode.
Aux États-Unis, le ministère de la justice a la charge de représenter les divers organes fédéraux et leurs responsables dans les procès dans lesquels ils sont impliqués et dispose pour cela une équipe d'avocats-conseils situés tant à Washington que dans les 94 districts judiciaires du pays. Environ 20% de l'ensemble des procès civils intentés devant les tribunaux fédéraux américains sont des affaires impliquant l'État fédéral. Certains de ces cas figurent parmi les plus difficiles et les plus complexes, et couvrent des domaines très divers : dommages-intérêts, violation des droits civiques, droit du travail, respect des contrats, protection de l'environnement, fiscalité et lois antitrusts.
Pour assurer un traitement plus efficace de ces affaires, la ministre de la justice, Mme Janet Reno, a lancé en 1995 un programme de règlement des litiges, procédure applicable dans tous les procès civils. Ce programme prévoit la formation de tous les avocats du ministère à l'utilisation de la procédure de médiation et des techniques évoluées de négociation. Par ailleurs, la ministre a réservé un budget pour l'engagement de médiateurs dans les procès impliquant la puissance publique et fait savoir à tous ceux qui ont un litige avec des instances fédérales que l'État américain était ouvert à l'utilisation d'une procédure de médiation dans tous les cas appropriés.
Dans le cadre de ce programme, le ministère de la justice s'est doté d'un Bureau de règlement des litiges qui, en coopération avec les avocats du ministère, les tribunaux, les organisations professionnelles et les autres instances fédérales, cherche à promouvoir l'utilisation de la médiation et des autres techniques de règlement amiable des litiges. Selon Mme Reno, tout avocat représentant l'autorité publique doit être apte à résoudre les problèmes et prêt à utiliser toutes les procédures pouvant assurer une issue favorable au litige en réduisant au minimum les conflits.
Depuis quatre ans que ce bureau a été mis en place, le ministère de la justice utilise quatre fois plus souvent les procédures de règlement des litiges. L'une de ces procédures - le plus souvent la médiation - est utilisée dans environ 2.000 affaires par an afin de trouver des solutions acceptables par toutes les parties. La solution est souvent un règlement amiable qui passe par des conditions que les tribunaux n'ont pas le pouvoir d'offrir, mais qui sont néanmoins très importantes pour toutes les parties. Ceci montre que les procès sont parfois une façon inefficace de résoudre les conflits, car un tribunal ne peut trancher que de questions juridiques. Il ne peut pas traiter des intérêts fondamentaux des parties qui peuvent être à l'origine du conflit.
« Une justice lente est un déni de justice »
Dans l'appareil judiciaire américain, tant les tribunaux fédéraux que ceux des États donnent la priorité aux affaires criminelles. Dans ces dernières, en effet, l'accusé est souvent incarcéré avant le procès et, dans de nombreux cas, la déposition des témoins du crime peut perdre de son efficacité lorsque le procès a lieu longtemps après les faits. S'il existe donc de bonnes raisons pour donner la priorité aux affaires criminelles pendantes, ce choix peut avoir des conséquences sur les litiges de droit civil qui attendent également d'être inscrits au rôle. D'une façon générale, plus le rôle des affaires criminelles est important, plus une affaire civile ordinaire devra attendre pour être tranchée par le tribunal.
Dans toute procédure judiciaire, un différé suscite évidemment une grave préoccupation, qu'il s'agisse d'une procédure civile ou d'une affaire criminelle. La vieille maxime « une justice lente est un déni de justice » n'est que trop vraie dans un cas comme dans l'autre, et s'applique notamment dans des affaires civiles visant l'obtention de dommages-intérêts pour des personnes victimes de blessures ou se retrouvant au chômage, ou lorsqu'une partie cherche à faire respecter par l'autre les clauses d'un contrat qui les lie. Une autre source de préoccupation des parties d'un procès civil est l'accroissement des honoraires et frais de justice qui peuvent résulter d'une longue procédure de communications des pièces du dossier et d'autres activités préalables au procès. En fait, certaines parties estiment que tous les efforts déployés pour porter leur affaire devant la justice et obtenir gain de cause mènent à une victoire illusoire, parce que le temps perdu et l'argent dépensé à cette fin sont loin d'être compensés par les indemnités reçues à la suite d'un jugement favorable.
Pour ces raisons et pour d'autres, de plus en plus de parties à des procès civils optent pour le règlement des litiges, notamment la médiation, dans l'espoir de trouver une issue rapide et acceptable à un litige. Le règlement des litiges comprend de nombreuses procédures, telles que l'arbitrage, l'évaluation précoce neutre, les mini-procès et les procédures sommaires par jury, mais la plus employée est sans aucun doute la médiation.
L'objectif n'est pas de déterminer qui a tort et qui a raison
Dans la médiation, le médiateur, personne ayant reçu une formation lui permettant d'aider les parties à négocier entre elles, anime des réunions confidentielles avec chacune des parties au litige. Il n'a pas à dire qui a tort et qui a raison, et il ne doit pas tenter d'imposer aux parties un résultat quelconque. Son objectif est de tenter d'élaborer, à l'aide de ces réunions confidentielles avec chaque partie, diverses possibilités de règlement que les parties peuvent avoir hésité à explorer par elles-mêmes et de déterminer les intérêts fondamentaux des parties que tout règlement devra prendre en compte.
Lorsque les parties ont choisi de recourir à une procédure de règlement des litiges, le médiateur est choisi conjointement par elles, en fonction de son expérience plutôt que de la nature du conflit. Du fait qu'un médiateur n'a pas le pouvoir de trancher l'affaire, les parties en conflit avec l'État fédéral doivent accepter de coopérer à la recherche d'un médiateur acceptable et équitable aux yeux de tous. Généralement, les parties engagées dans une médiation partagent les frais et les honoraires du médiateur.
Si le médiateur parvient à aider les parties à trouver une solution amiable, le règlement se limite à un accord écrit qui a valeur de contrat. Dans certains cas, les parties peuvent présenter au juge le règlement pour que celui-ci puisse être enregistré en tant que décision du tribunal. Si les parties n'ont pas réussi à s'entendre sur un règlement du conflit, il leur est possible de revenir devant le tribunal et d'engager un procès comme si la médiation n'avait jamais eu lieu.
Confidentialité
L'un des éléments déterminants du succès d'une médiation est la confidentialité des négociations. Lorsque les parties décident de mener toutes les négociations dans la plus stricte confidentialité, elles sont davantage disposées à explorer diverses hypothèses de règlement du conflit. La confidentialité s'applique également aux réunions privées que le médiateur tient avec chaque partie, de sorte que rien de ce qui s'y dit n'est révélé à l'autre partie, sauf si les participants en décident autrement.
Si les parties parviennent à s'entendre, l'accord est rendu public parce que les citoyens ont le droit de connaître la façon dont l'État a réglé une affaire judiciaire. Mais s'il n'y a pas d'accord, il n'y a aucune raison de divulguer quoi que ce soit. On se contente alors de mentionner le fait que les parties ont tenté de parvenir à un règlement amiable.
L'avantage des jugements rendus par les tribunaux
Dans certaines affaires, le ministère américain de la justice n'utilise pas la procédure de règlement des litiges parce qu'il pense qu'il est de l'intérêt public que l'affaire soit tranchée par un tribunal. C'est le cas lorsque, dans un procès, l'autorité publique pense que la partie adverse ne dispose d'aucun argument juridique sérieux à faire valoir et estime être pratiquement sûre de l'emporter devant le juge. Dans d'autres cas, les pouvoirs publics estiment qu'une décision de justice est nécessaire, car elle présente l'avantage de fournir l'avis d'un juge sur la signification d'une nouvelle loi ou d'une réglementation. Le jugement constituera alors un précédent jurisprudentiel qui permettra non seulement aux parties impliquées, mais encore à d'autres, de savoir ce que cette loi ou réglementation exige d'eux.
Une procédure facultative
Il est important de souligner que le recours aux procédures de règlement des conflits est facultatif et qu'aucun juge et aucun médiateur ne peut obliger une partie à régler un litige à l'amiable. Environ 60% des médiations impliquant l'État fédéral se terminent par un accord amiable. Dans un procès, si la puissance publique souhaite un règlement amiable, mais que la partie adverse le refuse, estimant que cela va à l'encontre de ses intérêts, cette procédure ne peut lui être imposée. Réciproquement, la partie adverse ne peut pas imposer un accord amiable aux pouvoirs publics si ceux-ci sont déterminés à obtenir une décision de justice.
La médiation et les autres formes de résolution des litiges permettent aux parties de négocier de façon efficace et en toute connaissance de cause. Lesdites parties peuvent parvenir à un accord plus rapidement et trouver des voies de règlement de l'affaire qui auraient pu ne pas être envisagées si elles avaient négocié sans l'aide d'un tiers.
En ce qui concerne spécifiquement les procès intentés par l'État fédéral des États-Unis, le règlement des litiges est un instrument particulièrement utile qui permet aux procureurs fédéraux de maintenir leur habituelle vigilance sans pour autant encourir les conséquences négatives qui résultent souvent de débats publics vifs et prolongés. En s'engageant dans la résolution du problème avec la partie adverse, ils peuvent défendre efficacement l'intérêt public avec le maximum de respect mutuel et le minimum de chicanes.
La médiation est ainsi un instrument intéressant que tout avocat devrait être capable d'utiliser, lorsque les circonstances s'y prêtent, pour permettre à son client d'obtenir une issue satisfaisante à un conflit judiciaire.