Robert Frost (1874-1963), l'un des poètes les plus estimés des États-Unis, traduisit un jour l'engouement de son pays pour le sport lorsqu'il avoua : « Rien ne m'est plus flatteur que la reconnaissance de ma qualité d'écrivain - si ce n'est l'admission qu'à une époque, je me distinguai fort au lancer d'une balle de base-ball. » Qu'ils soient poètes ou politiciens, menuisiers ou cardiologues, les Américains de toute condition partagent une vraie passion pour le sport sous toutes ses manifestations.

En effet, la liberté de concevoir, d'adapter et de créer - le principe central de « l'expérience américaine » - est l'une des raisons premières de la prolifération des activités sportives aux États-Unis et de leur immense popularité. À la fois ciment de toute une société et courroie de transmission d'un système de valeurs fondé sur la justice, le fair-play, l'esprit d'équipe et le sacrifice, le sport a contribué à l'intégration raciale et sociale du pays et jusqu'à l'évolution de son langage, puisque de nombreux termes et expressions sportifs se sont glissés dans l'usage courant. Le sport s'est également introduit dans les arts, en particulier le roman et le cinéma.

Divers rites sociaux accompagnent les manifestations sportives aux États-Unis. Pour les habitants de nombreuses collectivités, le match de football américain ou de basket du lycée du quartier constitue l'événement de la semaine. Les mordus du football américain - universitaire ou professionnel - se rassemblent souvent dans les parkings des stades pour pique-niquer avant le coup d'envoi ou s'invitent les uns chez les autres pour voir la finale du championnat professionnel, le Super Bowl. Chaque hiver, des milliers de passionnés du base-ball, fuyant la neige et les frimas du Nord, migrent une semaine ou deux dans le Sud ou le Sud-Ouest pour voir leur équipe favorite se préparer à l'ouverture, au printemps, de la saison professionnelle.

Durant les moments où ils ne pratiquent ni ne regardent un sport, les irréductibles passent leur temps à naviguer sur l'internet, à écouter une émission à la radio ou à consulter la rubrique sportive du journal à la recherche des derniers résultats de leur équipe et de leurs champions préférés. Les médias peuvent d'ailleurs, à travers le sport, analyser un phénomène socio-culturel plus large. C'est ainsi que le quotidien Washington Post a récemment publié à la une l'histoire d'une petite localité isolée du Montana qui peinait à maintenir son programme de football de lycée face à l'exode rural. « Si nos garçons cessent de jouer au football, il n'y aura plus rien qui nous rassemble », se plaignait un habitant.

La présente revue tente, en quelque sorte, de présenter le sport aux États-Unis en poésie et en prose. Trois écrivains distingués - Roger Rosenblatt, John Edgar Wideman et Joseph Epstein - apportent leurs observations uniques et personnelles sur la valeur et le sens des jeux auxquels l'Amérique s'adonne. D'autres présentent des vues nuancées sur l'influence qu'exercent les sports sur la société américaine et dans le reste du monde. Certains articles explorent des tendances sociales, telles que l'essor des femmes et des handicapés dans les compétitions sportives, fruit d'une loi fédérale et d'une prise de conscience nationale. On verra également comment les entraîneurs et les athlètes de deux lycées de la banlieue de Chicago arrivent à concilier le sport et le jeûne du ramadan.

Pour analyser les aspects financiers du sport, la revue présente un entretien avec un économiste qui démolit certains des mythes relatifs à « l'intérêt suprême » de l'argent dans les milieux professionnels et universitaires du sport aux États-Unis. Enfin, outre une bibliographie de livres et de sites de la Toile en anglais, la revue contient des listes de citations, d'expressions, de films et de statistiques relatifs au sport aux États-Unis.

Nous espérons ainsi avoir réussi à offrir au lecteur non seulement des renseignements intéressants sur le sport aux États-Unis, mais des éclairages nouveaux sur la culture et la société américaines.