eJournal USA: Perspectives économiques

Les dimensions du développement

Entretien avec Nicholas Eberstadt et Steve Radelet

Les objectifs internationaux de développement : les progrès réalisés

Sommaire
Avant-propos
Favoriser la croissance économique à l'aide d'une politique judicieuse en matière de développement
Les dimensions du développement
L'Alliance pour le développement mondial
Lutter contre la pauvreté d'une façon rentable
L'Initiative en faveur de l'enseignement en Afrique
Le traitement du paludisme chez les enfants dans les zones rurales du Rwanda
L'amélioration de la santé maternelle
La lutte contre la pandémie de sida
L'autonomisation des femmes : un sage investissement
La protection des ressources naturelles de la Namibie
Bibliographie
Sites Internet
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M. Nicholas Eberstadt, titulaire de la chaire d'économie politique Henry Wendt à l'American Enterprise Institute, et M. Steve Radelet, attaché supérieur de recherches au Center for Global Development, répondent aux questions de la rédaction de la revue Perspectives économiques au sujet des objectifs de la Déclaration du millénaire et de la politique de développement des États-Unis.

Steve Radelet and Nicholas Eberstadt
Steve Radelet
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Nicholas Eberstadt

Question - Comment évaluez-vous l'action de la communauté internationale en ce qui concerne la mise en œuvre des engagements pris en 2000 dans la Déclaration du millénaire ?

M. Radelet - Les progrès sont contrastés. L'Asie de l'Est et l'Asie du Sud ont fait des progrès notables en la matière, en particulier dans le domaine des normes sanitaires, tandis que les pays d'Afrique subsaharienne, ainsi qu'Haïti et la Birmanie, ont beaucoup de mal à atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement.

Il y a des pays, dont certains comptent parmi les plus grands du monde, tels la Chine, l'Inde et l'Indonésie, qui avancent rapidement dans la voie du développement. D'autres, en revanche, sont beaucoup moins susceptibles de réaliser d'ici à 2015, comme il était prévu, les objectifs énoncés.

Les Objectifs du millénaire pour le développement sont utiles dans la mesure où ils amènent la communauté internationale à se concentrer sur l'établissement de buts à atteindre. Une telle démarche devrait aider les pays en développement aussi bien que les pays industriels à mieux définir les problèmes qui se posent et les solutions possibles. Il est toutefois à craindre que le calendrier de la réalisation de ces objectifs ne soit arbitraire. La barre a peut-être été mise trop haut pour certains pays.

S'agissant de l'accroissement du taux de scolarisation dans le primaire, par exemple, certains pays vont peut-être afficher un mieux, mais s'ils n'ont pas les ressources suffisantes ils n'atteindront sans doute pas le stade de la scolarisation à 100 %. Il a fallu des dizaines d'années à certains pays pour passer d'un taux de scolarisation de 20 ou 25 % à 50 %. Un pays dont tous les enfants ne seraient pas scolarisés dans le primaire d'ici à 2015 ne serait pas nécessairement en situation d'échec.

M. Eberstadt - Un délai de cinq ans est un laps de temps trop court pour juger de l'efficacité du programme relatif aux objectifs du millénaire, en partie parce que les données de base sont tellement médiocres dans un bon nombre de pays à faible revenu. Il faut se placer dans la logique du long terme afin de pouvoir mesurer les progrès qui auront été accomplis.

Considérons le développement dans une perspective historique. Dans l'ensemble, le XXe siècle a été une réussite phénoménale pour le développement, et un pas de géant a été franchi dans la lutte contre la pauvreté. L'espérance de vie a plus que doublé. Dans le même temps, le revenu par habitant est monté en flèche dans le monde.

Les deux exceptions les plus flagrantes à cette évolution essentiellement positive concernent la parenthèse du communisme (aujourd'hui largement refermée) qui a touché une bonne partie du monde, et les terribles problèmes de développement qui sont apparus en Afrique subsaharienne au cours des années 1960 et 1970 et qui sévissent encore aujourd'hui : la longue stagnation économique, voire le déclin de l'économie, la médiocrité du niveau des exportations, la dépendance continue vis-à-vis de l'aide extérieure et, plus récemment, les revers catastrophiques en matière de santé dans de nombreuses régions d'Afrique subsaharienne consécutivement à la pandémie de sida.

Question - Où les progrès ont-ils été les plus marqués, et quels sont les principaux obstacles à la réussite des pays ?

M. Radelet - Là où le pari de la croissance économique a été tenu, des progrès ont été faits dans la voie des objectifs à atteindre. Pour autant, il y a des facteurs qui limitent les progrès. En Afrique, les contraintes géographiques sont considérables. Les maladies endémiques qui y sévissent, à commencer par le sida, vont nécessairement entraver la réalisation de certains des objectifs du millénaire.

Le Botswana, par exemple, était bien parti pour les atteindre, en particulier dans le domaine de l'enseignement et du recul de la pauvreté. Toutefois, il fait maintenant marche arrière dans certains domaines à cause du sida. Entre 1975 et 1995, l'espérance de vie avait considérablement progressé, en passant de 38 ans à 61 ans, mais depuis le milieu des années 1990, elle est tombée à environ 43 ans du fait de cette pandémie.

Une autre difficulté que connaît l'Afrique tient à son nombre particulièrement élevé de pays enclavés et isolés. Il est plus difficile de participer à l'économie mondiale quand on n'a pas de littoral ; les importations coûtent plus cher et les exportations sont moins concurrentielles.

Il y a lieu de mentionner une autre considération géographique en Afrique. C'est la présence d'un immense désert, le Sahel, à l'Ouest. L'éparpillement des habitants dans les pays sahéliens complique la prestation des services et la mesure des progrès dans la voie de la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement.

Ceci dit, même si plusieurs pays africains se heurtent actuellement à des problèmes très difficiles, notamment la Somalie, la Côte-d'Ivoire, le Zimbabwe et le Congo, il ne faut pas tout peindre en noir.

Par exemple, nous constatons la présence d'un nombre croissant de démocraties multipartites. En 1990, l'Afrique subsaharienne en comptait quatre en tout et pour tout. Aujourd'hui, on en dénombre une vingtaine. Certains pays, dont le Ghana, la Tanzanie, l'Afrique du Sud, le Nigéria, le Mozambique, le Mali et le Burkina-Faso ont enregistré des progrès politiques et économiques considérables ces dernières années. C'est un revirement qui n'a pas encore été pleinement compris dans la plus grande partie du monde. En outre, plusieurs de ces pays se caractérisent par le renforcement de leur stabilisation économique et de leur croissance économique.

M. Eberstadt - Sur le plan du développement en général, les progrès accomplis en matière de lutte contre la pauvreté dans la plupart des parties du monde sont encourageants, mais l'Afrique subsaharienne, qui se dirige dans le mauvais sens, fait figure d'exception. De même, les indicateurs de santé affichent une régression à cause de la pandémie de sida.

C'est la Chine qui a fait le plus de progrès importants, et l'Inde aussi a fait de grands pas en avant.

Dans les pays dont l'économie est en expansion, on a généralement observé que les ressources naturelles cédaient du terrain aux ressources humaines. Dans l'ensemble, les premières sont devenues moins importantes que les secondes pour la croissance économique nationale.

Question - Quel rôle l'aide extérieure peut-elle jouer dans le développement économique d'un pays ?

M. Radelet - Deux grands axes sont à considérer. Le premier, c'est le soutien des programmes d'information et des services de santé pour combattre les principales maladies. À cet égard, l'aide a permis de faire largement reculer certaines maladies, telles la poliomyélite et la cécité des rivières, et de faire progresser le recours à la réhydratation par voie orale. Le second axe concerne la nécessité d'appuyer les efforts visant à encourager la croissance économique.

Dans le domaine de la santé, des progrès considérables ont été enregistrés dans le monde entier depuis la Seconde Guerre mondiale, y compris dans les pays en développement. Toutefois, au cours des cinq dernières années, nous avons vu l'espérance de vie diminuer nettement sous l'effet du sida. Cette maladie anéantit les gains durement acquis au cours des vingt dernières années dans le domaine des indicateurs de base de la santé.

Pour autant, nous avons vu le sida faire marche arrière dans certains pays. En Ouganda, par exemple, les actions de proximité financées par l'aide internationale et visant à informer la population locale ont permis ces dernières années de réduire de 10 % l'incidence de cette maladie. La Thaïlande et le Sénégal ont eux aussi réussi à réduire le nombre des cas de sida, le taux de morbidité liée à cette maladie y étant relativement faible. Dans certaines régions de la Zambie, on a de même observé récemment une réduction de la prévalence de cette maladie.

S'agissant de la croissance économique, il est clair que dans certains cas l'aide n'a pas atteint l'objectif visé, et il ne fait aucun doute qu'une partie des fonds ont été gaspillés. Mais dans certains pays, notamment en Corée du Sud dans les années 1950 et 1960, et plus récemment en Ouganda, au Mozambique et en Tanzanie, l'aide extérieure a appuyé la croissance. Somme toute, l'aide a produit les résultats escomptés dans certains pays mais pas dans d'autres, et nous avons encore beaucoup à faire pour maximiser son efficacité.

Ces dernières années, trois facteurs ont amené les bailleurs de fonds à envisager l'aide au développement sous un jour nouveau. Le premier tient aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, qui ont fait ressortir plus clairement le lien entre la pauvreté et le terrorisme.

Le deuxième est la prise de conscience croissante de la gravité de la pandémie de sida. Il n'y a pas si longtemps que cela, le sida était essentiellement perçu comme une question de « responsabilité personnelle ». Aujourd'hui, on se rend compte qu'il constitue une pandémie qui touche les pays de l'hémisphère Nord comme de l'hémisphère Sud.

Le troisième facteur concerne la croissance des démocraties multipartites, mentionnée précédemment. Alors que dans les années 1970 et 1980 l'aide était réservée dans une grande mesure aux pays alliés dans le contexte de la guerre froide, une plus grande partie est aujourd'hui affectée à ceux qui tentent d'établir des démocraties multipartites, et le monde évolue lentement mais sûrement dans cette direction.

M. Eberstadt - Les formes d'aide autres que la traditionnelle aide publique au développement (APD) se sont souvent révélées efficaces pour ce qui est de faciliter le développement des pays. Prenons le cas de l'aide militaire. Taïwan et la Corée du Sud sont deux pays qui ont largement tiré parti de l'aide militaire des États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. C'est ce qui a permis à la Corée du Sud d'orienter son économie sur les exportations. De manière plus générale, l'aide militaire peut faciliter la création d'un environnement en matière de sécurité qui est davantage propice aux progrès matériels.

L'économie internationale, par le canal des échanges, des investissements et des transferts de connaissances, tient elle aussi une place fondamentale dans la croissance économique, l'augmentation de la productivité et la réduction de la pauvreté.

Le rôle de l'APD dans la réalisation de progrès matériels se révèle beaucoup plus limité, ce qui ne l'empêche cependant pas d'être positif quand les conditions sont favorables.

Question - Depuis quelques semaines, le débat sur le volume de l'aide et sur la capacité qu'ont les pays d'en tirer parti revêt un caractère d'actualité. Peut-on parler d'une loi des rendements décroissants en ce qui concerne l'aide extérieure ?

M. Radelet - Je parlerais non pas d'une loi stricto sensu, mais plutôt d'une forte tendance. Il en va de l'aide comme des autres investissements financiers : on voit les rendements décroître à mesure que les investissements augmentent. Des études montrent que l'aide affectée à la croissance économique produit de moins en moins d'effet à mesure que son volume augmente, mais qu'elle a tendance à exercer une influence positive jusqu'à ce qu'elle atteigne environ 18 à 25 % du produit intérieur brut du pays bénéficiaire.

Ce qui compte, c'est de voir à quoi elle est affectée. Les fonds qui servent à consolider la croissance économique ont plus de répercussions sur la croissance que d'autres formes d'aide, qu'il s'agisse par exemple des fonds affectés à l'assistance humanitaire ou des programmes dont les résultats sont difficiles à mesurer, comme dans le cas de la réforme de l'appareil judiciaire. Il faut bien compter dix à quinze ans, si ce n'est plus, pour vraiment voir l'aboutissement des réformes judiciaires. En revanche, il est plus facile de mesurer les résultats de l'aide dans le domaine du développement agricole et de la construction des routes, par exemple, parce qu'ils sont plus faciles à quantifier et parce qu'ils sont visibles plus rapidement.

L'un des défis que nous devons relever, c'est de maximiser l'efficacité de l'aide, aussi bien en qui concerne le choix des bénéficiaires que la forme sous laquelle nous la fournissons, de façon à en garantir un rendement maximal.

M. Eberstadt - L'efficacité de l'aide est fortement tributaire de l'environnement économique dans lequel elle est introduite. Dans un contexte de politiques disciplinées et productives, l'apport de ressources se traduira probablement par un meilleur rendement.

La question essentielle qui se pose, c'est de savoir comment l'octroi de ressources financières supplémentaires à des conditions favorables peut affecter l'environnement politique. Les résultats seront fonction de l'octroi de l'aide en temps opportun, du mode de gouvernement du pays bénéficiaire, de ses dirigeants et de l'histoire de ce pays.

Un phénomène troublant depuis le milieu des années 1990 tient à la dépendance accrue de l'Afrique subsaharienne vis-à-vis de l'aide publique au développement. En fait, la forte dépendance des pays africains est manifeste (et en progression) depuis les années 1970. Il faut se demander si les apports d'aide excessifs n'ont pas entravé la croissance des exportations et la formation du capital intérieur dans certains parties de l'Afrique subsaharienne au cours de la dernière génération. C'est peut-être ce qui explique, tout au moins en partie, ses résultats économiques qui sont franchement piètres.

Question - A votre avis, quel est le rôle de programmes tels que le Compte du millénaire, la loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA) et l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés 1 dans la stratégie globale visant à faire reculer la pauvreté ?

M. Radelet - L'allègement de la dette, à hauteur de 40 milliards de dollars, qui a été annoncé lors de la réunion au sommet du Groupe des huit en juillet 2005 est un accord d'importance historique qui pourrait mettre fin à vingt années de problèmes d'endettement dans 18 pays pauvres, si ce n'est plus. La difficulté maintenant consiste à aider les pays bénéficiaires à assurer une croissance économique soutenue et à réduire la pauvreté de façon qu'ils ne contractent pas de nouveau des dettes qu'ils ne pourront pas rembourser.

Malheureusement, l'accord conclu fait l'impasse sur un grand nombre de pays qui n'avaient pas emprunté suffisamment pour être considérés très endettés. C'est le cas du Kenya, du Nigéria et du Sri-Lanka, par exemple. Il serait bon de faire une proposition de même nature à ces pays. L'aide doit être affectée aux pays les plus pauvres, et non aux pays les plus endettés.

Le Compte du millénaire est un programme très important sur le plan conceptuel. Il part du principe selon lequel il convient de se doter d'un mécanisme plus favorable et plus souple pour fournir de l'aide aux pays dont la volonté d'appliquer une politique judicieuse de développement est particulièrement ferme. Il reste à voir quels seront ses résultats.

L'AGOA s'est révélée particulièrement utile, ce qui tient au fait qu'elle repose sur l'ouverture du marché des États-Unis aux pays africains. Ces derniers peuvent ainsi participer à l'économie mondiale et produire des biens capables de favoriser leur croissance à long terme.

M. Eberstadt - Le Compte du millénaire est un concept noble, mais à ce jour il a été difficile à traduire dans la pratique. C'est un programme d'ampleur trop modeste pour avoir beaucoup d'effet en accordant seulement des dons. Autrement dit, le Compte du millénaire n'est pas suffisamment important pour influencer autrement que de manière marginale le comportement des bénéficiaires de l'aide ou les pratiques des autres bailleurs de fonds qui dispensent la plus grande partie des dons et des prêts en faveur du développement.

Le Compte du millénaire est censé incarner le concept expérimental de la « sélectivité » mis au point par la Banque mondiale et selon lequel les ressources doivent être affectées là où elles auront le plus d'effet. Le hic, c'est que les donateurs ne peuvent pas se résigner à « fermer le robinet » de l'aide à un grand nombre de pays. Les relations politiques entre les bailleurs de fonds et les États bénéficiaires de l'aide priment trop souvent sur les résultats atteints grâce à ces transferts. Dans ces circonstances, la sélectivité relève quasiment de l'impossible.

Question - Quelle est l'importance de la transparence et de l'obligation de rendre des comptes pour l'efficacité de l'aide ? Que peut-on faire pour améliorer la gouvernance ?

M. Radelet - L'adoption d'une politique plus judicieuse et l'amélioration des institutions politiques a un effet fortement salutaire sur la croissance des pays. Ceux dont les institutions sont robustes et dont la population est en bonne santé sont en mesure d'absorber plus d'aide que les pays où sévit la corruption et dont les habitants ont une santé précaire.

Il y a eu des cas, surtout pendant la guerre froide, où les donateurs n'hésitaient pas à octroyer de l'aide à des pays dont la corruption n'était pas un secret. Cet état de fait a influencé l'opinion publique quant à l'efficacité de l'aide.

M. Eberstadt - L'un des facteurs de la corruption ou du détournement de l'aide est la sensibilisation politique des donateurs.

Il y a une relation positive entre le développement économique et l'état de droit. L'état de droit est un objectif important. Quand il s'accompagne de transparence, on voit diminuer non seulement le climat d'incertitude si peu propice aux investissements, mais aussi les coûts d'opération, et l'activité économique a davantage de chances de progresser.

Dans bien des pays, la richesse est distribuée de manière inégale, mais si une personne pauvre sait qu'elle peut compter sur la protection de la loi, la marche vers l'égalité est quasi-révolutionnaire.

Question - En cas de fraude, est-ce que l'on devrait supprimer l'aide au développement ?

M. Radelet - Dans bien des cas, oui, mais pas toujours. Le fait que la corruption sévisse dans certains pays tient en partie à l'existence de la pauvreté elle-même. Il faut une forte mobilisation locale et de l'argent pour construire des institutions robustes et capables de prévenir la corruption dans divers secteurs. La volonté politique du pays ne suffit pas. Les donateurs doivent être beaucoup plus précis quant aux résultats qu'ils escomptent.

M. Eberstadt - Tout dépend des objectifs de l'aide fournie : est-elle allouée à des fins militaires ou au titre de la sécurité politique, par exemple ? Quand l'affectation des fonds se fait à mauvais escient, l'argument en faveur de l'arrêt des programmes d'aide humanitaire gagne du terrain.

Question - Quels sont les problèmes associés à la politique de « conditionnalité » ? D'aucuns arguent que, si la compression des dépenses, la libéralisation des échanges, la déréglementation et la privatisation sont de bonnes choses, la vitesse et le degré auxquels ces mesures sont appliquées déterminent la réussite de la politique de développement.

M. Radelet - Nous avons appris que les donateurs ne pouvaient pas imposer les réformes de l'extérieur ni les « acheter » à coups de promesses d'aide supplémentaire. Les pays doivent être eux-mêmes acquis au principe de réformes énergiques. L'aide peut soutenir l'application de politiques judicieuses, mais elle ne peut pas contraindre leur mise en œuvre.

M. Eberstadt - La conditionnalité est désirable. Malheureusement, la conduite des donateurs en la matière laisse à désirer. On ne peut pas parler de conditionnalité là où l'aide ne peut pas être supprimée. Combien d'exemples peut-on trouver au cours des générations passées où des États bénéficiaires se sont vu privés d'aide à cause des mauvais résultats de leurs programmes de développement ?

Question - Un certain nombre de plans ont été proposés pour financer le développement : une facilité de financement internationale (FFI), un impôt mondial, des droits de tirage spéciaux (DTS). Au vu des contraintes considérables qui pèsent sur les pays, quels sont selon vous les meilleures méthodes de financement du développement ?

M. Radelet - C'est toujours une bonne idée d'imaginer des mécanismes novateurs visant à aider les pays à développer leur économie et à réduire leur endettement, mais il n'y a pas de solution miracle. Et pas une nouvelle formule ne pourra se substituer entièrement aux apports d'aide classique ni aux fonds du secteur privé, lesquels revêtent aujourd'hui une importance particulière dans les pays à revenu intermédiaire.

La Banque mondiale et la Banque africaine de développement doivent consentir davantage de capitaux sous forme de dons plutôt que de prêts, en particulier aux pays les plus pauvres. Les pays dont le revenu annuel moyen par habitant est inférieur à un certain montant devraient bénéficier de dons parce que ce sont eux qui se heurtent aux plus gros problèmes en matière de développement et qui sont les plus vulnérables aux chocs économiques.

Il ne faut cependant pas se contenter de faire des dons sans rien attendre en retour : les dons doivent être liés à des prescriptions de résultats, à la réalisation d'objectifs précis, par exemple la construction de certaines routes ou l'établissement d'un certain nombre de dispensaires. Les donateurs doivent récompenser en leur fournissant davantage d'aide les pays qui atteignent leurs objectifs et pénaliser ceux qui ne le font pas.

M. Eberstadt - Dans le cas des pays très endettés et à faible revenu qui ont des difficultés à assurer le service de leur dette, nous devons garder à l'esprit que les prêts ont été généralement consentis à des conditions extrêmement favorables, mais que leur rendement s'est trop souvent révélé plus que dérisoire.

Dans beaucoup de ces pays à faible revenu qui sont très endettés, ce n'est pas simplement en annulant la dette qu'on viendra à bout des problèmes économiques. Les difficultés de remboursement de prêts assortis de conditions de faveur sont révélatrices des lacunes de l'économie.

Ce qui importe avant tout, c'est de comprendre pourquoi les taux de rendement sont si faibles au lieu de se jeter tête baissée dans l'annulation de la dette. Pour ma part, je ne suis pas convaincu que l'allègement de la dette soit un outil de développement aussi important qu'on le dit.

Les objectifs internationaux de développement : les progrès réalisés

(1)L'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés est un programme de grande envergure relatif à la réduction de la dette de pays pauvres très endettés qui appliquent des programmes d'ajustement et de réformes appuyés par le FMI et la Banque mondiale.

Les opinions exprimées dans le présent article ne reflètent pas nécessairement les vues ou la politique du gouvernement des États-Unis.