À 30 ans passés, le TGV français est à bout de souffle

La rentabilité du TGV dégringole. La marge opérationnelle de 28 % en 2007 a fondu pour atteindre seulement 12 % en 2013

La rentabilité du TGV dégringole. La marge opérationnelle de 28 % en 2007 a fondu pour atteindre seulement 12 % en 2013 Crédits photo : Sylvain_CAMBON 0612252230

La Cour des comptes dresse un constat alarmant de la grande vitesse ferroviaire : l'État, les élus et la SNCF ont perdu le contrôle d'une machine qui s'est emballée

Publicité

Le TGV, lancé en 1981 et considéré depuis comme un fleuron français, symbole de modernité et de progrès accessible au plus grand nombre, est au bout du rouleau. La Cour des comptes, qui vient de rendre public un rapport sur la grande vitesse ferroviaire, souligne que le modèle du TGV français n'est plus tenable dans les années à venir.

Les voyageurs, de moins en moins nombreux à l'emprunter, le trouvent trop cher. La SNCF, qui a tiré l'essentiel de ses bénéfices de cette activité, ne parvient plus à dégager le même niveau de profit et s'endette. Mais, de leur côté, les élus continuent à faire pression sur les politiques pour que de nouvelles lignes à grande vitesse soient construites sur leurs territoires alors que les caisses sont désespérément vides pour financer d'autres infrastructures. Et l'État ne dit pas non. Il fait comme si la situation était sous contrôle alors que les alarmes résonnent à plein volume: trop de destinations, des TGV roulant sur 40 % de leur trajet sur les lignes classiques, des projets de LGV lancés en dépit du bon sens… Trente-trois ans après le lancement du premier TGV, il semble que le modèle autrefois rentable soit à réinventer.

La direction de la SNCF a trop longtemps concentré son énergie sur cette activité non seulement profitable mais valorisante par la prouesse technologique des rames et par le défi de la vitesse. Aujourd'hui, elle ne braque plus ses projecteurs sur la grande vitesse. Elle les tourne sur les «trains du quotidien», ces TER et Transiliens utilisés chaque jour par des millions de Français. Il est vrai que le TGV est un peu le révélateur des maux qui frappent l'entreprise publique.

Financièrement, le TGV rapporte moins. Alors que le réseau de lignes à grande vitesse continue à s'étendre - le TGV Rhin-Rhône a été inauguré en 2011 -, la SNCF voit ses ventes reculer. Le TGV a ainsi rapporté 4,9 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2012. Mais en 2013 pour la première fois de son histoire, il a commencé à décliner, passant à 4,7 milliards d'euros, et la tendance se poursuit en 2014. La SNCF a tenté de faire face à ce phénomène en multipliant les petits prix, en inventant un TGV low-cost, Ouigo. Mais rien n'y fait. La rentabilité du TGV dégringole. La marge opérationnelle de 28 % en 2007 a fondu pour atteindre seulement 12 % en 2013. Un niveau insuffisant pour renouveler le parc de rames TGV, souligne Guillaume Pepy, le PDG de la SNCF. Impossible de gonfler le prix des billets. Le sentiment de cherté du TGV a atteint son maximum. Ainsi, la Cour des comptes rappelle que la forte augmentation du chiffre d'affaires du TGV entre 2002 et 2012 repose sur la hausse du prix des billets plus que sur l'augmentation du trafic.

Peut-être la SNCF applique-t-elle un mode de calcul de sa marge opérationnelle particulièrement serré. D'après les magistrats de la rue Cambon, la SNCF considère qu'elle doit absorber, outre l'actif net pondéré par les capitaux, une part d'amortissement supplémentaire représentative du coût de remplacement futur de l'actif (notamment les rames TGV dont l'acquisition est projetée). Ceci revient en pratique à amortir aujourd'hui les investissements qui seront réalisés dans le futur. Un mode de calcul différent de celui de la Deutsche Bahn, grand concurrent de la SNCF, ce qui lui permet d'afficher un niveau de marge supérieur.

La Cour souligne que deux raisons expliquent l'exigence de rentabilité de la SNCF pour son activité TGV: depuis 2007, la SNCF est engagée dans l'achat de nouvelles rames TGV auprès d'Alstom pour des montants élevés afin de remplacer certaines rames plutôt que de les prolonger. Deuxième raison, le TGV permet d'avoir un segment d'activité rentable alors que les autres activités sont déficitaires (fret, trains Intercités…).

Certes, l'augmentation des péages versés à RFF, gestionnaire des voies ferrées, pour l'utilisation des lignes à grande vitesse a pesé sur les coûts de cette activité (+ 41 % entre 2008 et 2013). Ainsi le poids des péages rapporté aux recettes du TGV circulant en France est passé de 25,4 % en 2008 à 30,6 % en 2012. Mais d'autres charges contribuent à déséquilibrer l'activité: l'augmentation de la masse salariale - récemment relevée dans un rapport interne de la SNCF.

Si les magistrats de la rue Cambon sont entendus, la SNCF devrait passer ses coûts au rabot et présenter prochainement le plan de survie de son TGV. De son côté l'État pourra prendre l'engagement qu'il saura résister à la tentation d'étendre le réseau à grande vitesse au-delà du raisonnable.

La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) a regretté que le rapport de la Cour des comptes se limite à une «vision purement comptable» du système TGV. Selon l'association, les projets irrationnels de LGV méritent effectivement d'être dénoncés. Mais, contrairement aux magistrats de la Cour des comptes, elle juge que la «desserte fine» des territoires assure le succès commercial du TGV. «Réduire le nombre de gares pénaliserait les villes moyennes». Par ailleurs, l'ajout d'une correspondance «découragerait les voyageurs autant qu'une heure supplémentaire de trajet», estime la Fnaut.

Pour sa part Didier Migaud, premier président de la Cour des Comptes, a rappelé que les lignes à grande vitesse n'étaient pas la solution universelle pour répondre à tous les besoins de transport.

  • Partager
    Partager cet article

    À 30 ans passés, le TGV français est à bout de souffle

    La Cour des comptes dresse un constat alarmant de la grande vitesse ferroviaire : l'État, les élus et la SNCF ont perdu le contrôle d'une machine qui s'est emballée

    < Envoyer cet article par e-mail
    Séparez les adresses e-mail de vos contacts par des virgules.

    À 30 ans passés, le TGV français est à bout de souffle

    La Cour des comptes dresse un constat alarmant de la grande vitesse ferroviaire : l'État, les élus et la SNCF ont perdu le contrôle d'une machine qui s'est emballée

    J'accepte de recevoir la newsletter quotidienne du Figaro.fr

    Oui Non
  • Imprimer
  • Haut de page

Services Partenaires

Réagir à cet article

Publicité

56 commentaires

  • Avatar Abonné

    Des recommendations du style : "Vous devez sortir des visions purement comptables" devraient être interdits...

  • ce n'est pas le tgv qui est a bout de souffle c'est le système parisianiste du tgv. tous les trains passent par Paris. en plus vu le nombre de gare a Paris comment avoir envie de prendre le train. sans oublier les retards et pannes constantes, etc..... rien ne vaut l'avion pour sa rapidité ou sa propre voiture pour sa liberté.

  • Avatar Abonné

    Un Lille Narbonne direct qui existait depuis des années plusieurs fois par semaine, si ce n'est par jour et toujours bien rempli a été supprimé en 2014 depuis nous prenons l'avion, la voiture et bientôt le bus.....

  • Ainsi donc malgré:
    - une situation de monopole complet,
    - des tarifs rigoureusement stratospheriques,
    - une absence de coût du capital (c 'est RFF qui porte les 46 milliards d'investissement , et n'en refacture qu'une petite partie à la SNCF),

    on apprend que la vieille dame n'est même pas capable de financer son exploitation courante, c'est à dire de renouveler le matériel roulant ?

    Et dire que il y en a encore ici qui demandaient a renationaliser les autoroutes.

    Y'a encore du boulot dans ce pays avant d'y arriver.

  • L'Europe est devenue en trente ans un continent de vieux et ça va se poursuivre encore pour 30 ans, les vieux

    ils sont pas pressés.

  • On peut voyager à un prix raisonnable en TGV à la condition de s'y prendre à l'avance

  • S'ouvre aujourd'hui l'enquête publique sur l'utilité de créer une LGV entre Bordeaux et Toulouse.. Un projet qui avoisinera les 20 milliards pour des rames vides et des milliers d'hectares sacrifiés. Aucun justificatifs commercial, industriel ou autre en vue. Une étude plus que sérieuse propose d'installer un pendulaire qui ne coûtera que 700 millions et mettra ...6 minutes de plus. A quand une mise en examen du Conseil Général ...?

  • Puisque le modèle du TGV en France est à bout de souffle, la solution pour retrouver une gestion d'équilibre est d'arrêter la grande vitesse proprement dite.
    Les moyens de mise en oeuvre sont simples :
    Que tous les PAR (Poste d'Aiguillage et de Régulation des LGV) reçoivent l'ordre du Ministère des Transports via les Directions de la SNCF et de celle de RFF de limiter la vitesse de tous les trains à 160 Km/h sur tout le réseau pour limiter l'usure, l'entretien des voies et matériels roulants. Cette disposition permettra de en remettre à beaucoup plus tard les RVB (Renouvellements Voies et Ballasts) de beaucoup de portions de lignes et permettra d'obtenir une meilleure fluidité du trafic en général.
    Supprimer le cadencement des dessertes entre les grandes villes. Limiter l'offre à celles des heures de pointes.
    Appliquer de nouveaux horaires d'ouverture des gares Françaises : 8H -12H, 14H-17H.
    Fermer les gares les weekends et jours fériés.
    Fermeture de la SNCF au mois d'août pour les congés annuels.
    Ainsi les économies budgétaires obtenues avec cette nouvelle politique d'exploitation devrait limiter les coûts.

    • Mais absolument. Il faut faire tout cela.

      Et vous oubliez le corollaire direct et indispensabe: l'aller retour Paris Marseille à deux euros.

  • Un des avantage du train , se retrouver directement en ville. a présent plusieurs gares TGV se trouve en raz compagne? Cumuler le taxi le tarif hors de prix du train, cela devient un vrai luxe de ce déplacer. j'ai du suite a une urgence familiale faire un allé-retour qui à mis mon compte bancaire à découvert. et j'ai quand même mis 8Heures pour traverser la France. Expérience très décevante est onéreuse!! Pour mettre ce temps là, j'aurai préférer payer un train classique et deux heures de de circulation.